Enseignant, un métier concerné par les questions de genre

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Plan

– Une profession au recrutement fortement marqué par les stéréotypes

– Un rapport plus complexe avec les stéréotypes : les femmes enseignantes, sur une trajectoire d’ascension sociale au sein de la société ?

– L’homosexualité enseignante, une discrétion imposée et choquante


L’égalité entre femmes et hommes a été définie comme « Grande cause nationale » pour le quinquennat du président Macron.[1] Voyons ce qu’il en est pour ce qui relève des enseignant.e.s.


– Une profession au recrutement fortement marqué par les stéréotypes

Le métier d’enseignement se féminise, massivement.

Dans la lignée de ce qui s’est passé dans le Primaire ( 65 % de femmes en 1954, 82 % en 2014-15 ) le Secondaire public compte 58.2 % de femmes (62.1% chez les certifiés et professeurs d’éducation physique ).

Mais cette progression n’est pas signe d’accession au pouvoir selon les études menées depuis les années 1970.

En effet le métier d’enseignant est considéré comme déclassé. Les hommes s’en détourneraient, au profit de métiers plus prestigieux,  lucratifs ou porteurs de pouvoir (notamment dans les sciences et techniques). Les femmes alors se dirigeraient vers ces emplois compatibles avec la place qui leur est dévolue dans la sphère familiale (travaux domestiques, éducation des enfants) et dans la sphère sociale (relégation hors du pouvoir, donc spécialisation dans les domaines culturels, littéraires) [2]  . Les femmes enseignantes sont donc particulièrement soumises aux stéréotypes, même si elles prétendent agir librement. [3]

Cette position subordonnée se retrouve dans la feuille de paye. Alors que les grilles indiciaires sont les mêmes quel que soit le sexe, les femmes touchent des salaires plus bas que les hommes (8% de moins). En cause le choix de temps partiels pour privilégier la vie de famille, quand les hommes qui sont déchargés de celle-ci peuvent cumuler les heures supplémentaires et les fonctions lucratives (comme le montre la ventilation des IMP: les IMP correspondant aux missions les plus complexes sont attribuées majoritairement à des hommes, alors qu’ils sont minoritaires dans le public cible). [4]

Pas étonnant dès lors que l’on retrouve un système scolaire dirigé principalement par des hommes, comme chefs d’établissements notamment [De nombreuses publications évoquent la domination masculine dans le supérieur, mais ce n’est pas ici le sujet, puisque nous nous penchons sur le Secondaire et qu’il n’y a aucun lien hiérarchique entre l’université et le Secondaire et aucune visibilité pour les élèves.].

Cette domination numérique des femmes ne se traduit pas non plus par une diminution du poids des stéréotypes sexués, dans la mesure où ces femmes sont elles-même porteuses de ces stéréotypes, qu’elles incarnent de par leurs choix et véhiculent auprès des élèves et dans la société. [5]

Pour autant, cette place des femmes ne doit pas être remise en cause. Elle est naturelle, fruit de l’égalité devant le concours, et sans impact éducatif. Ainsi en 2016 lorsqu’un Inspecteur général de Lettres se réjouit de ce que davantage d’hommes obtiennent le CAPES de lettres dans le rapport du jury (avec une formulation très contestable de son propos il est vrai), une bronca éclate, avec lancement d‘une pétition dans laquelle on peut lire :

« [Les femmes ] ne doivent-elles pas craindre légitimement que le jury serait invité à favoriser les candidats ? »

 « Le jury d’un concours de la Fonction publique se décrédibiliserait gravement par des comportements ou des orientations sexistes, ou par toute forme de « discrimination positive » en faveur des hommes. »

« Prendre les élèves garçons pour des idiots en supposant qu’ils ne seraient pas capables de s’intéresser sérieusement à un enseignement prodigué par des femmes témoigne d’une vision rétrograde et méprisante » [6]

Au final, l’absence des hommes aux concours de l’enseignement ne doit pas entraîner de modification.  « Côté enseignement rien n’empêche les hommes de postuler… Il y a juste une panne des vocations. » [7]  

– Un rapport plus complexe avec les stéréotypes : les femmes enseignantes, sur une trajectoire d’ascension sociale au sein de la société ?

Le tableau qui précède est répété dans la quasi-totalité des publications sur le sujet. Mais il est révélateur de constater qu’il se défie de la parole des enseignantes. Combien accepteraient sans broncher un tel portrait ? Parle-t-on bien des enseignantes du XXIe siècle ?

Un premier étonnement vient de paradoxes dans l’argumentation.

Comme on l’a vu, la discrimination positive est repoussée vertement par certain.e.s lorsqu’il est question de réintroduire des hommes dans les salles des profs. Et pourtant cette même discrimination positive est démontrée en faveur des candidates dans les concours de matières scientifiques [8].

Idem pour ce qui est de la mise en avant d’exemples de réussite. Elle est légitimement réclamée dans les programmes scolaires et les manuels, où les exemples féminins sont trop rares. Mais il en va autrement lorsque l’on aborde la question du corps enseignant. Ces femmes enseignantes, détentrices du savoir, et évidemment à même d’imposer la discipline dans leur classe, ne sont-elles pas le premier modèle d’identification pour les filles ? Les enquêtes ne montrent aucune différence significative selon le sexe de l’enseignant dans l’acquisition des savoirs, mais comment mesurer la constitution d’une identification au discours de l’école, qui deviendrait son propre horizon d’attente ? Les garçons qui multiplient les punitions ne sont clairement pas dans ce schéma d’identification…

Paradoxe enfin lorsque la diffusion des stéréotypes dans les discours est présentée comme continue, omniprésente. Mais sous-entendue, allusive. Alors qu’en est-il du discours explicite, sciemment exprimé ? Force est de constater que plus personne, dans le champs de la recherche et dans l’enseignement , ne se tient à l’écart d’un discours d’égalité entre les sexe. La bataille des idées est gagnée depuis longtemps au sein de l’institution, dirait un Gramsci. Et de cela pas de trace dans les trajectoires professionnelles des enseignant.e.s ? Pourquoi ne pas se réjouir de progrès acquis au prix de décennies de lutte ?

De là il peut sembler légitime de s’interroger sur l’image de déclassement communément attribuée au métier d’enseignant.

Déclassement, par rapport à quoi, par rapport à quand ? Ce métier a toujours été dans un entre-deux, jamais misérable, jamais non plus très valorisé. Sauf à mythifier une IIIe République où des « hussards noirs » voyaient l’admiration dans les yeux d’enfants ruraux accédant à l’alphabet. Justement, si l’on interroge plus avant ce mythe, il nous parlerait de jeunes provinciaux découvrant via l’enseignement la voie de sortie de leur condition rurale. Et, une fois devenus instituteurs, ils verraient leurs propres enfants accéder à de plus hautes études encore. Appliquons ce schéma à la situation actuelle. Le métier d’enseignant comme étape dans une trajectoire d’ascension sociale des femmes. La vraie question devient donc : que deviennent leurs filles ?… La réussite particulière des enfants d’enseignants est de notoriété publique. [9]

Pour approfondir : Extraits du rapport « Les enseignants : panorama, carrières et représentations du métier », Éducation & formations n° 101 , DEPP, novembre 2020

L’homosexualité enseignante, une discrétion imposée et choquante

Rares sont les écrits sur l’homosexualité dans le corps enseignant. Une enquête reposant sur 9 témoignages d’enseignants suisses [10]  confirme le souci de discrétion, les stratégies d’invisibilité de ces enseignants. En salle des professeurs, en classe, avec les parents d’élèves. Mais au-delà même, dans la vie sociale. Il suffit qu’un élève le sache…

Cette pression permanente qui pèse sur la vie quotidienne et crée une insupportable discrimination s’explique par la persistance de peurs chez certains parents (notamment d’une « mauvaise » influence sur des jeunes en pleins questionnements identitaires, comme si on pouvait convertir quelqu’un à une forme d’amour ou d’identité)…

Sans compter l’oppression viriliste qui frappe les élèves de Collège principalement. Les enseignants ont été élèves, ils savent ce qu’ils ont dû éviter ou subir durant leur adolescence.

Dans le cas d’un changement de sexe, cette stratégie peut néanmoins passer par une allusion au chef d’établissement, au vu des discussions sur le fil « transidentité et transition » de Néoprof .org. Cela facilite le changement d’établissement auquel il est souvent procédé, afin de partir avec une identité fixe auprès du groupe d’élèves. La limite est le « besoin d’en connaître » que connaissent bien les militaires.

On le voit la condition homosexuelle ou trans demeure inégale sans raison aucune, le combat continue.

En 2016 l’UNESCO a affirmé que la haine anti-LGBTI était un problème mondial. Espérons que la défense des droits le sera tout autant. Dans les pays de l’OCDE, des progrès significatifs ont été enregistré depuis 2000.


[1] : https://www.education.gouv.fr/egalite-des-filles-et-des-garcons-9047

[2] : « Cette féminisation est le reflet d’une « domination masculine » tenace dans l’univers professionnel ». « L’organisation de notre société incite les femmes à choisir ce type de métier permettant de concilier vie professionnelle et vie familiale. L’idée selon laquelle les femmes doivent, plus que les hommes, adapter leur vie professionnelle à une vie familiale dont la responsabilité leur incombe, a la vie dure. »

Emploipublic.fr : « Trop de femmes à l’Education nationale ? », Julie Krazowsky 23/11/2016

[3] : «La plupart des femmes et des filles assurent aujourd’hui que leurs choix d’orientation et de carrière ont été effectués en toute âme et conscience. Selon Marie Duru Bellat, ce phénomène est parfaitement compréhensible « dans une société où l’accomplissement personnel est fortement valorisé : dire que l’on a choisi ou que l’on consent aide à garder la face, et à se penser comme sujet autonome, toute autre attitude n’étant, là encore, pas vivable » »  .

« Le féminisme et l’enseignement, pour une égalité filles/garçons », Juliette Bossé, Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente (Belgique),  décembre 2012

[4] : Les IMP les plus importantes vont surtout à des hommes (60% des IMP taux 4 et 5) alors qu’ils sont minoritaires, les IMP les plus faibles vont surtout à des femmes ; au total 55% des IMP attribuées dans le second degré en 2017-18 le sont à des femmes alors que la part des femmes pouvant en recevoir est de 59%.

Le Café pédagogique, l’expresso, « Les IMP une nouvelle discrimination de genre à l’Education nationale ? » , F . Jarraud, 7 novembre 2019

[5] : Cité dans blogmédiapart : « Le CAPES de lettres, un concours sexiste » , Pascal Maillard, 21 novembre 2016

[6] Les différences de traitement entre élèves garçons ou filles, y compris par des enseignantes, semblent persister, comme le montre cette étude publiée en 2013 : Persistance d’inégalités filles/garçons à l’école en France et lien avec la formation des enseignant.e.s, Josette Costes, Véronique Houadec, Konstanze Lueken, Sophie Collard

[7] :  Le web pédagogique, « Vers une féminisation à 100% du métier d’enseignant », Mathieu Quénée, 12 février 2013

[8] : « Les femmes sont favorisées dans les disciplines où elle sont sous-représentées (maths, physique, philosophie) et, dans une moindre mesure, les hommes le sont dans les disciplines où ils sont minoritaires (langues, littérature). »  La proportion de femmes bien classées augmente alors de 10 à 20 %, celle des hommes est renforcée de moins de 1 à 2%.

 « Recrutement des enseignants : les femmes favorisées dans les disciplines « masculines », INSHS (Institut des sciences humaines et sociales du CNRS), 28 juillet 2016.

[9] : Le Café pédagogique, L’expresso, Guillemette Faure : « Pourquoi les enfants de profs réussissent mieux ? » , propos recueillis par François Jarraud, 3 septembre 2019

[10] Etre (in)visible en tant qu’ enseignant.e homosexuel.le.s en Suisse, Revue GEF, septembre 2020

Les éléments du débat : genre, féminisme, LGBT, …. et des décennies qui passent

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Plan :

– Le genre, un élément parmi d’autres dans la construction d’une identité et dans le débat démocratique

– Sexe(s), Genre(s), et stéréotypes

– Un débat virulent sur le genre, entre conservateurs et féministes

– Pour une lecture dépassionnée des questions de genre


– Le genre, un élément parmi d’autres dans la construction d’une  identité et dans le débat démocratique

Cette partie sera brève, le temps de rappeler certaines évidences.

Les différences de genre ne sont que l’une des formes que prennent les différences au sein de l’humanité. Entre deux individus, les différences biologiques, éducatives, culturelles, de choix, de destin, de raisonnement, sont infinies et pèsent bien lourd dans la condition observée à un temps T.

Pour ne prendre que les inégalités, Gisèle Halimi écrit dans son ouvrage phare « La cause des femmes » [1]:

« Disons, pour faire vite, que le capitalisme est responsable certes de la majeure partie de nos maux, mais qu’il n’est pas l’unique responsable. » Selon elle le machisme se place donc en second rang (le féminisme avait alors maille à partir avec les marxistes qui lui reprochaient de détourner l’engagement de la cause qu’ils jugeaient majeure ).

Par ailleurs, si nous choisissons de nous pencher sur nos différences et nos blessures, si la sociologie nous présente comme au moins en partie déterminés et inégaux,  il est bon aussi de rappeler  que ce qui nous rapproche est quantitativement le plus important.

Il y a, en biologie, un unique genre humain… Et il reste une part non négligeable d’égalité devant le loi qu’on ne peut rejeter et une égalité fondamentale en démocratie. Un citoyen ne saurait se limiter à une identité, ce qui serait infiniment réducteur au regard des mille dimensions et de la richesse de chaque être humain, ainsi que de la liberté de penser et de changer. Ainsi pour qu’un débat soit possible, il faut que chacun soit reconnu à égale dignité.

Sexe(s), genre(s) et stéréotypes

Le mot « genre » est difficile à définir [2] , alors allons progressivement.

Le premier stade est le sexe biologique et congénital.

Des garçons (chromosomes X et Y, un pénis, 2 testicules, testostérone) et des filles( 2 chromosomes X, un vagin, ovaires et œstrogènes).

Beaucoup s’arrêtent à ce cas ultra-dominant.

Mais déjà la chose est plus compliquée. 1 à 2% des naissances comportent une différence par rapport à ces standards. Et même, par exemple, dans le cas de garçons, la présence dans l’organisme d’hormones féminines peut être observées bien après la naissance. Les biologistes parlent donc de porosité entre ces deux sexes plutôt que de rupture.

Ensuite vient la vie. Le sexe biologique ne pose pas de question dans l’écrasante majorité des cas. Mais pour moins de 5% environ des individus (proportion très stable, quelle que soit l’époque, quel que soit le lieu sur Terre) il y a non concordance.

Il y a tout d’abord le sexe d’identité qui peut être différent du sexe biologique. Comme le montre le schéma ci-dessous, les cas de figure sont extrêmement nombreux dans l’identité individuelle. Pour certaines personnes il est question de transidentité (les statistiques sont rares, il semblerait qu’aux Etats-Unis cela concerne une personne sur 3 000, en Grèce une personne sur 1 000).

[Cette dimension de sexe d’identité, congénital, résistant aux stéréotypes, peut sembler contredire l’idée d’un sexe principalement social; c’est l’idée qu’avance Jordan Peterson, professeur d’université à Harvard puis Toronto. Si le personnage est polémique, l’idée pose question. ]

Vient ensuite une possible différence entre le sexe biologique et le sexe d’affection (libidinal). L’amour a ses lois. Sur le schéma, on peut voir que les cas de figure là aussi sont extrêmement variés.

Sur la dimension statistique, on est donc dans un cas de figure qui peut concerner en moyenne une personne par classe pour l’homosexualité, et pour la transidentité une personne dans un lycée de taille moyenne.

Pour approfondir la question de l’homosexualité ou de la transidentité, cliquez ici.

Vient enfin le sexe légal. Il est défini à la naissance en fonction du sexe biologique. Mais comme on l’a vu cela pose problème pour les enfants n’entrant pas dans une des deux cases prévues, et qui pourtant méritent autant que les autres une reconnaissance légale. La question résolue dans de plus en plus de pays (genre « neutre » ou « autre ») pose encore question à de nombreuses administrations.

Mais ce sexe légal peut évoluer. En France depuis 2016 une  loi établit la possibilité de changer de prénom à l’Etat civil, pour les majeurs mais aussi pour les mineurs accompagnés de leurs parents, et sans qu’il y ait besoin d’un certificat médical. On peut donc conserver son sexe biologique tout en ayant une vie sociale autour d’un prénom non attaché à ce sexe.

Il reste cependant plus difficile de changer le sexe à l’Etat civil. Il faut une décision du Tribunal de Grande instance, reposant sur un faisceau de preuves manifestes. Cela nécessite donc d’assumer publiquement sa double identité conflictuelle durant une assez longue période. Ce peut être le cas d’années scolaires, avec des documents officiels marqués de l’autre identité, ce qui met dans des situations  embarrassantes et potentiellement douloureuses.

Mais il reste une étape dans la construction identitaire, non obligatoire celle-ci ; c’est la question des stéréotypes. Parmi les kyrielles de postures possibles au sein d’une société humaine, des cohérences ont été établies et sexuellement attribuées. Si ces rôles varient d’une société à une autre [3] et d’une époque à une autre, ad minima quelques éléments observés dans les sociétés occidentales contemporaines peuvent être regroupés. Ils sont présentés dans le schéma ci-dessous.

Cette attribution de caractéristiques de comportements en fonction des sexes est ce que l’on appelle le sexisme.

Rappelons que les neuro-sciences ont montré que chez les plus jeunes enfants les cerveaux des garçons et des filles étaient quasi identiquement (et faiblement ) connectés. Des différences existent, qui correspondent à la mise en fonctionnement des organes sexuels spécifiques, et semble-t-il à une capacité langagière initiale supérieure des filles ainsi qu’à une supériorité des garçons dans les tâches de rotation mentale tridimensionnelle (cela a été observé dès 3 à 5 mois, ou dans de nombreuses civilisations aux stéréotypes variés) [4] . Mais on est là sur une part limitée de nos aptitudes cérébrales, et les différences interindividuelles sont majeures. Autant dire que les cerveaux construisent la plupart de leurs innombrables connexions après la naissance sous l’action des stimulations et usages effectifs.

Pour un approfondissement sur Genre et cerveau, cliquez ici.

L’ensemble de ces considérations construit une identification à ce qui est perçu comme étant un homme, une femme, ou l’infinie variété des identités résumées dans l’appellation LGBT. C’est cela qu’on appelle le « genre ».

La construction de l’identité sexuée débute rapidement chez l’enfant, dès 2-3 ans il a déjà des repères liés à des fréquences observées (l’enfant est un statisticien qui s’ignore), vers 4 ans il est très attaché à ce que chacun reste dans son genre identifié. Il faut attendre environ 7 ans pour qu’une certaine souplesse revienne avec le sentiment de sécurité, avant la nouvelle rigidité des représentations pendant l’adolescence [5]. Phase d’incertitude et rigidité des représentations vont donc de pair; l’individu se protège de la peur de l’inconnu.

– Un débat virulent sur le genre, entre conservateurs et féministes

La lecture biologique du genre et le sexisme ont longtemps fait système, sous la forme d’un essentialisme (on est ce qu’on est, non ce que l’on devient ou ce que l’on veut être) et d’une idée de complémentarité entre les sexes.

Mais au fil des années une protestation a monté contre une société dans laquelle chacun jouerait un rôle prédéfini, avec la mise en avant de l’individu et de sa liberté dans tout le monde occidental (avec des racines modernes et une cristallisation dans les années 1960). Pour la cause des femmes la contestation a porté sur l’idée qu’en fait de complémentarité on assistait davantage à une domination des hommes. Domination politique, économique, symbolique, avec des accès de violence physique non sanctionnés. Que l’on songe au succès de la chanson « Mon homme » chantée par Mistinguett (1920), Piaf ou Juliette Gréco (1963) :

« Il m’ fout des coups / Il m’ prend mes sous / Je suis à bout / Mais malgré tout / Que voulez-vous / Je l’ai tellement dans la peau… »

Rapidement cette lutte pour l’égalité (féminisme) a pris la forme d’une recherche des origines de l’inégalité, avec un rejet de la dimension biologique au profit de la construction sociale, et avec pour étendard la célèbre phrase de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme, on le devient » (Le deuxième sexe, 1949).

L’éducation est donc tombée sous le coup des critiques. L’école a été analysée au prisme de la domination du masculin sur le féminin (chez les élèves mais aussi chez les personnels).

Aujourd’hui ce discours féministe domine la production universitaire et la recherche pédagogique, mais des espaces de débat subsistent en-dehors.

Aux Etats-Unis, pays leader de la cause féministe, l’identité (liée au statut de « victime ») devient un fondement du discours politique, et le mouvement « woke » s’impose dans les débats avec virulence.

En France l’opposition entre féministes et essentialistes s’est illustrée avec les affrontements autour de « la théorie du genre » notamment lorsque Najat Vallaud Balkacem, ministre des droits des femmes, proposa l’ABCD de l’égalité dans les écoles primaires. La « manif’ pour tous » venant juste après a montré l’absence de discussion apaisée sur ces sujets. Les ABCD ont été ramenés à une simple proposition pédagogique aux professeurs des écoles.

De manière plus signifiante, les populations qui sont les plus ancrées dans les stéréotypes de genres sont celles qui profitent le moins de la mondialisation libérale : les catégories populaires [6] et les personnes issues d’une immigration récente dont les cultures d’origine reposent sur une division sexuée des rôles sociaux [7]. En effet cela fait bien longtemps que le capitalisme tertiarisé manque de cadres, et demande la promotion des femmes (tout comme l’armée qui manque de spécialistes) ; dans les milieux bourgeois, l’éducation des filles n’a plus rien à envier à celle des garçons.

Le discours d’égalité entre les sexes est-il un discours de classe ou ethnocentriste ? Doit-on accepter une part de stéréotypes au nom de la culture d’origine ? A l’heure des gilets jaunes et des polémiques sur le voile, on sent bien que des discours venant d’en haut suscitent des résistances.

D’autant que cet arbre cache peut-être la forêt d’une discussion de la place de l’individualisme (la liberté de l’individu mondialisé, adaptatif, à fort capital personnel donc), par des personnes qui font le bilan de décennies de libéralisme mondialisé, et qui ne trouvent pas que des défauts à l’ancien système dans lequel chacun s’obligeait à tenir un rôle. Par exemple, l’attraction qu’exerce un Islam (instrumentalisé comme outil social) auprès de certaines personnes de milieux défavorisés, comme garant d’un ordre perçu comme protecteur [8] n’est que l’un des signes d’une réaction que l’on trouve aussi dans une remise en question de la méritocratie dans le vote protestataire (voir la page de ce site consacrée à ce sujet). Le discours sur le genre est par certains associé à un discours des élites.

Au moment où les progrès de l’égalité face à une vision de complémentarité entre les sexes semblent contestés, le moment est peut-être venu de chercher les bases d’un nouveau souffle dans une réflexion véritablement posée sur le genre, et plus seulement sur le féminisme. 

– Pour une lecture dépassionnée des questions de genre

Cette relance de la discussion peut partir de quelques interrogations, assez simples.

Dans le champ professionnel, de nombreux écrits déplorent la rareté de femmes au sein de métiers liés à l’exercice du pouvoir.

Est-ce à dire que leurs auteurs, souvent très engagés, considèrent que le féminisme est un allié objectif de ce que certains appellent le capitalisme mondialisé et le militarisme, et veulent que davantage de femmes deviennent guerrières ou spéculatrices boursières ?

Ou bien ces postes de domination sont-ils considérés comme entraînant celles et ceux qui y participent dans une forme de violence ? Et il faut se demander si les hommes, à ce jour majoritaires, poussés à tant perdre (bonne conscience, vie de famille, jusqu’à la santé ou la vie…) pour de l’argent ou du pouvoir, ne sont pas les premières victimes des stéréotypes de genre. On rejette les scènes de violence faites aux femmes dans les films, fort bien ! A quand une telle sollicitude pour les scènes qui voient des hommes pour le moins malmenés… ? [9]

Poser cela c’est s’interroger sur le projet de société final, par-delà la simple participation au système de domination. Les femmes qui privilégieraient leurs valeurs personnelles ne sont-elles pas à l’avant-garde d’une société nouvelle, émancipée, pacifique, plutôt que des victimes occupant des fonctions déclassées ?

Par ailleurs, au sein même de l’institution scolaire, les affirmations qui ont poussé vers une meilleure place les filles, ce qui est un progrès indéniable, laissent apparaître des questions troublantes.

Les garçons seraient violents et compétitifs par l’effet des stéréotypes les poussant à dominer. Cette explication un peu courte ne se retrouve guère lorsque les sciences sociales étudient les violences urbaines, par exemple. Où l’on invoque l’injustice sociale, les carences affectives, la peur du déclassement pour rechercher les racines du mal. Pourquoi un tel écart dès lors qu’on parle d’éducation ?

Ainsi, les années du Secondaire sont celle de l’adolescence, donc de la puberté. Mais elle n’intervient pas au même moment pour filles et garçons ! Deux à trois ans de décalage, avec un pic de perturbation en milieu de Collège pour les filles, et en milieu de Lycée pour les garçons. C’est un tabou complet de la pédagogie. On ne l’évoque jamais. Les enseignants le savent, les parents le savent, les psychologues le savent, les élèves l’abordent en SVT et l’EPS en tient compte, mais en vain on en recherche la trace dans les études et publications. 2 à 3 ans de décalage, et on fait comme si de rien n’était. Vraiment ?

Le discours communément entendu sur le genre, qui est en fait un discours féministe, gagnerait à tenir sa promesse, à inclure dans le genre tous ses acteurs, à part égale, sans leur faire endosser à priori une chasuble de victime ou de coupable. Les personnes LGBT ont déjà pris leur place, au côté des femmes. A quand une mobilisation des hommes ?

Et ça tombe bien, puisque des évolutions puissantes sont en cours. Pas étonnant, lorsqu’on songe que cela fait bientôt 60 ans que le féminisme se diffuse. Que les femmes, mais aussi les hommes des pays occidentaux entendent explicitement formulés des appels à une émancipation qui entre en écho avec la diffusion de l’individualisme.

Prenons le champ professionnel, puisqu’il est considéré comme le plus emblématique des inégalités. Une à une les Bastille tombent. Les nouveaux juges sont aux 2/3 des femmes (et au-delà les formations juridiques à l’université) ? C’est une filière déclassée. Vraiment ? Alors prenons les médecins, l’une des professions les plus élitistes socialement (40% des nouveaux médecins sont enfants de cadres). Là aussi, 2/3 de femmes dans les nouveaux entrants. Restent les ingénieurs, partout présentés comme l’alpha et l’oméga de la réussite sociale ( ?). Là encore la part de femmes ne cesse de croître. Et on n’entend pas parler des Sciences Po, dominés par les filles (des formations déclassées ?), et des écoles de commerce où les filles dominent d’une courte tête.

Lorsque l’on observe, par exemple, la baisse du nombre de volontaires dans les armées occidentales (il manque plus de mille pilotes dans l’US Air Force faute de candidats …), les hommes eux aussi commencent à s’émanciper des stéréotypes.

L’explication de l’arrivée de femmes dans une profession par son déclassement social est décidément bien courte. Après  des temps d’exclusion du pouvoir, les femmes au cours du XXe siècle ont mètre par mètre conquis les positions, au point aujourd’hui d’être majoritaires dans toutes les formes du pouvoir à l’exception d’une seule, toujours mise en avant, les ingénieurs, elle aussi grignotée. La pyramide des âges du pouvoir se féminise massivement, par la base. Le pouvoir, aujourd’hui, c’est un homme qui prépare sa retraite et une femme qui se prépare à le remplacer.

Quels sens donner à ces évolutions, comment les incorporer à un discours actualisé face aux défis de la société d’aujourd’hui ?

Il serait étonnant que les acteurs de l’éducation (parents, élèves, enseignants..) n’aient pour leur part en rien modifié leurs actions ou tout au moins leurs représentations.

Une dernière question fondamentale est la place de la liberté.

Le primat accordé à la détermination identitaire fige les actions et ne permet pas la prise en compte des évolutions. Pourtant on obtient des résultats formidables en écoutant les personnes, ce que l’on se doit de pratiquer lorsque l’on est enseignant…

Le livre du grand géographe Jacques Lévy, Théorie de la justice spatiale, est l’un de ceux qui montrent la voie. Se penchant sur les raisons qui poussent des individus à choisir un lieu de vie, et sans rien ignorer des théories sociologiques ou philosophiques, notamment de celles qui jugent les acteurs comme étant déterminés, ce livre écoute des discours qui se révèlent structurés, cohérents. Les acteurs savent ce qu’ils font en achetant un pavillon en périphérie ou en louant un 2 pièces de centre-ville, à prix égal. Que n’accordons-nous pas un peu de crédit aux choix conscientisés des enseignants et élèves ?

Un exemple frappant est celui de l’orientation des jeunes femmes diplômées des différents Sciences Po. Est-il étudiantes plus conscientisées sur les questions de genre ? Et pourtant, inlassablement, elles s’orientent davantage vers l’humanitaire, les ressources humaines ou les études sur la paix que les étudiants, majoritaires dans les cursus finance ou défense. Soumission, ou indépendance d’esprit ?

Bien entendu le combat féministe n’est pas terminé, il reste des préjugés et des violences à bousculer. Mais peut-être gagnerions-nous tous à commencer à reprendre le dossier et à réfléchir à ce que nous pouvons construire, ensemble. 

Des études commencent à paraître, qui vont dans ce sens. Il y a matière.

Mais le féminisme qui observe la situation d’individus qui ont 40-60 ans, en lutte pour le pouvoir (les condisciples des personnes qui occupent micros et postes universitaires), observe le résultat de l’école d’il y a 30 ans !

L’école d’aujourd’hui forme les personnes qui seront au pouvoir dans 20-30 ans.

Et on y constate l’échec de nombre de garçons. A quand une attention à tous ? Pour que notre système aille vers l’égalité, vraiment, la liberté, aussi, et la fraternité, ce qui n’est pas un vain mot.


[1] : Gisèle Halimi, La cause des femmes, Grasset, 1973

[2] : Dans « Introduction aux études sur le genre », les auteurs consacrent 63 pages à une approche du concept. Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunat, Anne Revillard, Introduction aux études de genre, De Boeck, 2020

[3] : Hugues Lagrange (Le déni des cultures, Le Seuil, 2010) le rappelle en montrant les profondes différences dans le statut social des femmes d’origine africaine vivant en France, en fonction de la culture dont elles sont issues. Et Ivan Jablonka (« Que faire des hommes », Esprit, janvier 2021), après avoir évoqué « un père qui envoie sa fille adolescente se marier au pays, un musulman bigot et homophobe » affirme : « Le type de masculinité, bien davantage que l’exposition aux discriminations, permet d’apprécier la compatibilité féministe d’un homme. » Pas de complaisance ni de naïveté donc face aux différences de discours sur le genre.

[4] : http://www.scilogs.fr/raisonetpsychologie/le-sexe-du-cerveau/

[5] : Entretien avec Anne Dafflon Novelle, « Comment se construit l’identité sexuelle », dans La psychologie de l’enfant en 30 questions, Sciences humaines, Hors série, février-mars 2021

[6] : « La valorisation des attitudes viriles peut probablement  être considérée comme un invariant des sociabilités juvéniles en milieu populaire. »Arnaud Baubérot, sous la direction de Jean-Jacques Courtine, Histoire de la virilité, tome 3 (La virilité en crise ? Le XXe-XXIe siècle), Seuil, 2011  

[7] : Les cultures et non les religions, comme l’a montré par exemple Germaine Tillion dans « Le Harem et les cousins » (Le Seuil, 1966) : l’Islam et le Catholicisme ont vu leurs préceptes contredits par des populations unies autour de la Méditerranée dans un même besoin de contrôler les mariages au service d’une vision patrimoniale et patriarcale, limitant la liberté des femmes.

[8] : Agnès De Féo, Derrière le niqab – 10 ans d’enquête sur les femmes qui ont porté et enlevé le voile intégral, Armand Colin, 2020

[9] : « Ce n’est pas verser des « male tears » que de rappeler ceci : les hommes sont parfois les otages, sinon les victimes, de leur genre. » Ivan Jablonka, « Que faire des hommes ? », Esprit, janvier 2021

Enseignement et Genre

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Nota Bene: « L’Education à… » envisagée sans une mise en cohérence avec les autres enseignements ne saurait donner des résultats pleinement satisfaisants, comme le rappelle justement cet article des Cahiers pédagogiques.

L’enseignement, au coeur des tensions entre méritocratie et populisme

Accueil>L’enseignant, un professionnel de l’éducation nationale> La question des finalités de l’enseignement > L’enseignement, au coeur des tensions entre méritocratie et populisme

Les « fake news » et théories du complot sont un défi à l’enseignement au quotidien. Mais la montée d’un vote populiste, qui déstabilise les démocraties occidentales en s’appuyant sur des mensonges éhontés et en réintroduisant la violence physique dans le champ des pratiques (Capitole…), est un horizon tout aussi inquiétant.

Or aux Etats-Unis une réflexion met désormais en avant la critique de la méritocratie comme source de ces dérives [1]. Le livre de Michael Sandel, « La Tyrannie du mérite » (Albin Michel, 2021) , expose ces idées nouvelles avec clarté. Son succès planétaire montre qu’il y a bien un problème global.

Ce peut sembler paradoxal, car quoi de plus démocratique que de permettre à tous l’accès à l’éducation ? Et de faire reposer la sélection des cadres de la société sur les compétences et sur le savoir ? Cependant, ce système a créé des distorsions qu’illustre le schéma ci-dessous.

Tout d’abord, il est devenu très difficile de contester l’ordre actuel des choses et de faire accéder au pouvoir une force politique qui n’adhèrerait pas à ce système reposant sur le diplôme, car pour la première fois les élites du pouvoir et celles de la réflexion sont dans le même camp. Pas de Lumières ou de Marx pour structurer et légitimer une remise en cause du système, comme lorsque le pouvoir se trouvait échoir aux enfants de nobles ou de capitalistes. La contestation se fait hors champ intellectuel. Et les élites l’entendent d’autant moins qu’elles peuvent la repousser facilement avec quelques arguments ou statistiques.

Difficile dès lors de trouver dans le passé des références évidentes, même si les conséquences et les mécanismes nous éclairent sur les dangers à venir, comme le montre « Le siècle du populisme », du grand Pierre Rosanvallon.

Cette frange puissamment formée, travaillant énormément (toutes les études concordent pour montrer qu’une réussite scolaire élevée repose sur un effort précoce et intense), a édifié un monde riche, interconnecté, complexe, qui a permis le développement fulgurant du savoir et l’enrichissement collectif à une vitesse qu’aucun siècle n’a connu. Au prix de subtils équilibres, que le jeu démocratique a mis entre les mains et de la droite et de la gauche, qui ont du concéder une part de reconnaissance aux idées issues du camp d’en face (oui, un système social et keynésien est nécessaire, oui les entrepreneurs et les entreprises sont des acteurs nécessaires au progrès collectif). Les alternances ont désormais moins de conséquences.

Néanmoins, à côté de ce tableau flatteur, cette croissance a surtout profité aux plus riches -aux plus diplômés- comme l’a montré Thomas Piketty et a créé des problèmes nouveaux qui pèsent essentiellement sur les catégories populaires des pays riches, quand les élites mondialisées caracolent et quand les habitants des pays pauvres sortent de la misère (pour rester pauvres parfois il est vrai, mais c’est un autre débat). Comment ces catégories populaires peuvent-elles faire entendre leur mécontentement ?

En espérant que les enfants auront un meilleur sort que leurs parents, par l’enrichissement, ou par la réussite scolaire. Mais l’ascenseur social est bloqué. Les revenus des classes moyennes stagnent voire reculent légèrement, et la réussite scolaire redevient corrélée à celle des parents (qui était elle-même souvent corrélée au niveau de revenus antérieur…).

Donc certaines et certains se créent un monde parallèle. Un monde géographique, avec un habitat distancié des centres de pouvoir (comme le montrent les électorats de Trump, le vote Brexit, ou plus près de nous le Rassemblement national et les Gilets jaunes), ce que démontrent Christophe Guiluy ou récemment Jacques Lévy.

Un monde constitué des certitudes confortables, dans lesquelles on serait victimes, et donc, dans le paradoxe actuel, des héros (au sens de personne valorisée, légitime). Les biais cognitifs jouent alors à plein pour alimenter la machine à conspirations et remettre en cause les autorités, ce qui apparaît pleinement dans « La démocratie des crédules », de Gérald Bronner.

Ce système de contestation des effets induits de la méritocratie a déjà produit des effets. Donald Trump a pu présenter le réchauffement climatique comme une invention des Chinois. Les Brexiters ont pu faire croire que sortir de l’UE redonnerait le contrôle de l’immigration à un pays… qui n’était pas dans les accords de Schengen.

Mais qu’attendons-nous pour en tirer les conséquences sur les systèmes scolaires de nos société développées ? Comment rendons-nous l’espoir à celles et ceux qui doutent d’eux et de nos systèmes ? Pour remettre une peu de justice, d’égale dignité, et pas seulement d’ouverture de la compétition pour tous.

Nous avons des systèmes remarquables, qui ont beaucoup fait. Un second souffle s’impose.


[1] https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/le-tour-du-monde-des-idees-du-mercredi-18-novembre-2020

https://www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-monde-des-idees/la-meritocratie-contestee-2-une-nouvelle-aristocratie-arrogante-et-sure-de-sa-propre-legitimite

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Enseigner l’esprit critique: enjeux

Accueil > Les grandes compétences: Analyser, critiquer> Enseigner l’esprit critique: enjeux

Le passage d’une compétence à un mode de pensée, voire à une manière d’être au monde, suppose que, par-delà les techniques, des postures soient adoptées comme le montre le premier schéma ci-dessous, ce qui pose toute une série de questions.

Tout d’abord, comme le montrent les pages du site Eduscol[1], l’esprit critique est une dynamique. Pour pouvoir l’exercer, il faut maîtriser des compétences en apparence contradictoires comme le montre le schéma, et de plus constamment découvrir, se tenir à jour des dernières découvertes, sans cesse remettre en cause ce que l’on tenait pour acquis. C’est un travail considérable, et même proprement impossible, tant pour acquérir ou conserver ses automatismes, que pour disposer des connaissances sans lesquelles il n’est qu’une négativité ombrageuse.

Mais la bonne nouvelle est que l’on peut arriver à l’esprit critique de diverses manières: en étant curieux, en étant rétif à la vérité des autres, ou en doutant de soi. Il n’y a pas de profil type, chacun peut donc y parvenir.

Et puisque logiquement chacun est amené à se spécialiser dans quelques domaines, le plus important est de faire confiance à l’esprit critique d’autres personnes pour le reste.

Ces efforts sont acceptés par les élèves qui disposent déjà d’un esprit critique et en jouent au quotidien, de par leur tempérament mais surtout de par leur éducation. A ces élèves la réussite la plus brillante est permise. Les inégalités initiales auront donc été maintenues ou amplifiées si nous ne faisons rien.

Il s’agit par conséquent pour nous d’initier tous nos élèves, et de pratiquer avec eux au quotidien cet esprit critique.

Deux pistes s’offrent pour mener ce travail : c’est tout d’abord la réintégration de ces méthodes dans le quotidien des élèves, où ils les pratiquent déjà sans en avoir conscience (ils s’expriment en sachant moduler le discours en fonction de l’auditoire…), et où rien ne vaut mieux que d’avoir manipulé soi-même pour ensuite identifier les manipulations ; c’est ensuite l’humour, pour ancrer dans la sphère immédiate et sensible une méthode scolaire ; sur ce sujet cela fonctionne bien et dédramatise la dimension « manipulation ».

Mais on doit voir plus loin.

On bute dans ce travail sur un problème que les militaires connaissent bien : comment, en position d’autorité, inculquer à des personnes dont on a besoin de l’obéissance… la nécessaire aptitude à la désobéissance ? Il s’agit ici d’une pertinence que d’aucuns qualifieraient paradoxalement « d’impertinence » (Meirieu parle « d’ouvrir à la subversion réfléchie » des savoirs et valeurs enseignées) [3].

D’ailleurs, dans la classe même, et dans la vie citoyenne au-delà, qui dispose d’outils de critique détient une arme, qui permet de déstabiliser le propos d’un autre acteur.

Il faut donc diffuser largement cette arme pour que chacun puisse se défendre, mais d’autre part éduquer à l’humilité celles et ceux qui se montreront experts dans son art.

Pas de pouvoir sans contre-pouvoir. La longue expérience des Eglises, qui ont incité leurs fidèles à faire leur auto-critique au travers de confessions, exercices spirituels et autres memento mori, montre qu’amener chacun à relativiser ses propres opinions est une tâche de longue haleine…

A l’opposé, l’esprit critique peut amener à douter de tout. Là aussi il nous faut éviter de plonger nos élèves dans une vision du monde instable, désabusée, surtout au Collège. Et l’on songe au passage du poème « If » de Kipling :

Si tu sais méditer, observer et connaître

Sans jamais devenir sceptique ou destructeur…

D’ailleurs l’arme et le doute se rejoignent dans ce que Gérald Bronner appelle « la démocratie des crédules »[2] : sur le net ou dans la démocratie participative, toute une série de biais poussent un grand nombre à adhérer à des discours qui se présentent comme rationnels, critiquant des vérités établies ou le pouvoir en place ; belle illustration de l’esprit critique en apparence, mais « face obscure de notre rationalité » au service d’un « démagogisme cognitif » selon lui.

« Tous les efforts d’éducation que les sociétés démocratiques ont consentis paraissent avoir oublié un enjeu essentiel de la connaissance : l’esprit critique, s’il s’exerce sans méthode, conduit facilement à la crédulité. Le doute a des vertus heuristiques, c’est vrai, mais il peut aussi conduire, plutôt qu’à l’autonomie mentale, au nihilisme cognitif. »

Et l’on mesure l’ampleur de la tâche.

Gérald Bronner nous incite donc à nous former et à former nos élèves aux biais de jugement qui font de notre capacité critique un piège pour la démocratie, contre le projet initial. Il insiste aussi sur l’importance des méthodes d’analyse face à l’intuition et à la rapidité, en reconnaissant que le chemin reste long…

Pour un approfondissement des biais cognitifs:

Pourquoi les élèves font-ils des erreurs ? Entre travail et biais

L’éducation à la critique nous interroge donc sur le sens que nous donnons, en réalité, à l’accord collectif. Mais tandis que dans la partie consacrée au débat il est possible de poser un temps de reconstruction de consensus, il est rare qu’à l’issue d’un exercice de critique on puisse faire de même. Nous risquons de laisser nos élèves au milieu du gué.

D’où la nécessité d’un discours qui réintègre. Exercer son esprit critique revient en fait à se doter des moyens de choisir à qui on accorde sa confiance, et à pouvoir vérifier si ces acteurs la méritent encore [4]. A viser une autonomie, et non une indépendance illusoire.  On perçoit aussitôt ce que cela implique dans notre enseignement, notamment dans l’Education aux media.

… Gérald Bronner constate que la recherche n’en est qu’à ses débuts pour ce qui est de déterminer les méthodes efficaces d’enseignement de l’esprit critique [5]. Espérons que nos pratiques seront rapidement étayées par des expérimentations et des publications !

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[1]http://eduscol.education.fr/cid107295/former-l-esprit-critique-des-eleves.html

[2] Gérald Bronner, La démocratie des crédules, PUF, 2013

[3] Philippe Meirieu, Itinéraire des pédagogies de groupe, tome 1, chronique sociale, 1996 (6e éd.)

[4] C’est d’ailleurs à cette conclusion que parvient le groupe de travail du Conseil scientifique de l’Education nationale consacré à l’esprit critique. E. Pasquinelli, G. Bronner, « Eduquer à l’esprit critique, bases théoriques et indications pratiques pour l’enseignement et la formation, Réseau Canopé, Conseil scientifique de l’Education nationale; cité sur le site Cortecs.org via la page d’Audrey Plessis

[5] Gérald Bronner, « Armer les futurs citoyens », dans le numéro « Penser par soi-même » de la revue Sciences humaines, mars 2020, n°323

Quelles activités pour enseigner la Transition écologique ?

Accueil>Enseignement et Transition écologique>Quelles activités pour enseigner la transition écologique ?

Si un pas de côté vous tente, nous vous signalons un rapport passionnant sur l’éducation à l’écologie hors champ scolaire, par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire [1].

Il sera, pour l’instant, ici question de voir comment choisir la structure de l’activité ou du projet que l’on désire mettre en oeuvre dans le cadre de l’enseignement secondaire.

Déterminer le cadrage de son activité

Comme pour toute activité pédagogique, il importe dans un premier temps de déterminer les compétences visées. Le « Manuel de la grande transition, former pour transformer »[2] affirme qu’un enseignement visant une transition écologique se doit de développer un bouquet de compétences complémentaires afin de permettre le changement de paradigme. Un tableau est proposé, croisant les préconisations de l’UNESCO (L’éducation en vue des Objectifs de développement durable, 2017), de la Conférence des Grandes écoles et la Conférence des présidents d’universités (CGE/CPU; Guide de compétences développement durable et responsabilité sociétale, 2016) et les travaux de Peter Senge :

Cette grille est destinée au supérieur, mais peut bien entendu être étendue au Secondaire. A première vue, rien ici qui révolutionne les objectifs visés usuellement par les enseignants. On le voit toutefois l’interdisciplinarité est fortement préconisée (pour comprendre l’interdépendance des domaines), mais aussi l’écoute des émotions, du ressenti, dans une attention à la fois à soi, aux autres et au monde qui nous entoure. Les auteurs conseillent par exemple d’écrire un journal personnel.

Un peu plus haut dans ce livre, les auteurs pour « changer de récit dans l’enseignement » conseillent aux enseignants de participer eux-même à des actions ou manifestations.

Ainsi la distanciation entre la personne de l’enseignant ou celle de l’élève et les savoirs enseignés est nettement dépassée. Si l’on a vu dans la partie consacrée aux enjeux de l’enseignement de la Transition écologique qu’il est nécessaire de faire passer les discours en actes au sein même de l’institution scolaire, il n’en demeure pas moins que la distanciation reste un fondement essentiel pour des professionnels à qui l’on ne doit pas demander de devenir des militants et pour des élèves dont on doit protéger l’espace intime et la liberté de penser.

Comment faire alors ? Peut-être en revenant à une approche plus technique, ne visant pas à créer un homme nouveau, mais à faire réfléchir et agir dans un périmètre plus scolaire.

De quoi parle-t-on ?

L’enseignement des enjeux écologiques peut sembler impossible, tant il s’agit d’un ensemble, d’une approche systémique complète. Mais précisément, afin de comprendre cette globalité pourquoi ne pas l’aborder par une étude de cas, déjà bien difficile pour nos élèves ?

Le choix des axes est très vaste. Mais les thèmes abordés peuvent être classés en quelques grandes catégories:

Travail autour d’un milieu ou un lieu :

* un jardin, les sols, les forêts (dont la forêt amazonienne), l’air, les océans, les pôles, la planète

* sa maison, son établissement scolaire, son quartier (ou un éco-quartier), sa/une ville

Travail autour d’un domaine :

* l’énergie : l’éolien, le nucléaire, les économies d’énergie

* les déchets

* le numérique : l’équipement (les téléphones, les ordinateurs) / les usages (courriels, numérique)

* la vie quotidienne : tourisme, mode vestimentaire, sport

* l’alimentation : saisonnalité, circuits courts, viande

* ce qui agit sur notre santé : perturbateurs endocriniens, viande, tabac, pollution de l’air (OGM?)

Travail autour d’une espèce :

* animale : abeilles, espèces menacées, verres de terre, animaux du fond de la cour

* végétale :  planctons, plantes endémiques, OGM

Travail autour de décisions collectives

* les textes internationaux,  les lois, la convention citoyenne

* les labels

* les mouvements, associations

A quelle étape se place-t-on ?

Les étapes ci-dessous sont la mise en oeuvre de ce schéma.

La transition écologique présente en effet plusieurs particularités. D’une part elle s’applique à des organismes vivants dont nous ignorons parfois jusqu’à l’existence, et il est donc nécessaire de s’assurer au début de ce que les élèves soient sensibles à la dignité de la vie de ces espèces. Ensuite, les connaissances sur lesquelles s’appuie notre action sont complexes et particulièrement discutées, avec autant d’incertitudes dans les faits que de virulence dans les propos. Une mise en débat est donc préférable. Enfin ce travail dépasse la seule acquisition de connaissances et doit déboucher sur des pratiques, si possible sur des actions.

Sensibilisation, découverte

  • La vie sans les atteintes récentes (une espèce, un écosystème)
  • Pratiques problématiques (surconsommation, pollution)

Modalités privilégiées: sortie sur le terrain, visite, rencontre, enquête des élèves sur leur propre environnement

Atteintes à l’environnement

  • Atteintes à la biodiversité
  • Réchauffement climatique
  • Menaces sur la santé humaine

Modalités privilégiées: recherche, exposé, débat

Des bonnes pratiques à faire connaître

  • Pratiques nuançant une atteinte
  • Pratiques favorisant une plus grande place de la nature

Modalités privilégiées: jeu de rôles avec prise de décision collective, réalisation d’un projet de groupe/de classe, soumission d’un projet à des acteurs de terrain, exposition dans des espaces publics, article dans la presse locale

Evidemment, chacune de ces activités étant chronophage, il est possible de cibler une seule de ces étapes, et d’employer des méthodes plus directes ou légères pour les autres. L’important ici est d’être bien conscient de ces trois étapes pour choisir en toute liberté son dispositif.

De multiples exemples d’activités sont présentés dans les sites indiqués en ressources, avec le lien ci-dessous.

Sitographie


[1] : Éducation non formelle à l’environnement, Fondements sociohistoriques et modalités d’expression territoriale, Joy TOUPET, géographe, laboratoire Espaces et sociétés (ESO), université Rennes 2, Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) NOTES & RAPPORTS, Décembre 2019

[2] : Manuel de la grande transition, Former pour transformer, Collectif Fortes, éditions LLL, 2020

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Enseignement et Transition écologique

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Les enjeux de l’enseignement

de la Transition écologique

Nota Bene: « L’Education à… » envisagée sans une mise en cohérence avec les autres enseignements ne saurait donner des résultats pleinement satisfaisants, comme le rappelle justement cet article des Cahiers pédagogiques.

Ressources

Courte bibliographie de pédagogie de la transition écologique

Sites pédagogiques sur la transition écologique


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La Transition écologique vue du ministère : quelles instructions officielles et quelles aides pour une politique publique ?

Accueil>Enseignement et Transition écologique>La Transition écologique dans l’enseignement: quelle commande et quelles aides pour une politique publique ?

[ Pour les sites présentant les politiques nationales et les organismes, attachés à l’enseignement des enjeux environnementaux, cliquez sur le lien ci-dessous: ]

Sites pédagogiques sur la Transition écologique

Comme on l’a vu dans les enjeux pédagogiques, la transition écologique a cela de particulier qu’elle est à la fois un contenu à diffuser aux élèves et une pratique, qui doit permettre aux adultes de montrer l’exemple et d’impliquer les élèves. Pas étonnant donc que le cadrage ministériel englobe ces deux dimensions.

Dans les programmes: le silence de la Transition au profit du Développement durable

On peut discuter pour savoir si les programmes actuels accordent plus ou moins de place à l’écologie que les précédents. Mais ici nous nous contenterons d’observer l’existant, au Collège et pour le Lycée dans l’enseignement général (dans l’enseignement technique et professionnel l’écologie est incluse dans les enseignements de spécialité).

Des programmes mis en cohérence

Les programmes actuels de Collège et de Lycée ont cela de particulier qu’ils ont été élaborés en deux temps.

En premier, ils ont été rédigés de manière classique, avec des préoccupations essentiellement attachées aux matières et à leurs savoirs. Le mot « transition écologique » n’y apparaissait pas, celui de « développement durable » y apparaissait peu mais pouvait être déduit, en creux, des contenus proposés. SVT et Géographie étaient les deux matières les plus concernées.

Et puis en 2019 le Conseil supérieur des programmes a appelé à une mise en cohérence de l’ensemble des programmes dans une optique de Développement durable, du Primaire au bac. Il n’était pour autant pas question de remodeler tous les programmes ! Une série d’addenda a donc explicité, précisé ou infléchi l’ensemble des programmes en juillet 2020. Et, formidablement, une synthèse a été publiée sur Eduscol qui présente les pistes de mise en cohérence apportées en 2020. C’est assez rare pour être souligné.

Néanmoins, on se retrouve dans une situation doublement paradoxale :

  • une large part des enseignants a construit ses cours avec les programmes initiaux, et n’a pas intégré la rupture de 2020
  • une large part des enseignants se positionne dans l’air du temps, et emploie le concept de « Transition écologique », avec la conviction d’être dans le programme, alors que celui-ci est solidement posé sur le concept de « Développement durable ».

Explorons donc cette nouvelle mouture afin de voir si ce toilettage a eu un réel poids.

Tout d’abord, une définition est donnée de ce qu’est le Développement durable du point de vue de l’Education nationale : «  une démarche de rétablissement d’équilibres dynamiques entre l’environnement, le monde social, l’économie et la culture ».

On note combien cette définition diffère de la définition du rapport Brundtland (voir la page de ce site consacrée aux concepts) : « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs », autour de 3 piliers précisés en 1992 : un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. La démocratie participative avait été adjointe ensuite.

Dans notre cas, pas de politique mais la culture.

Et au lieu de répondre aux besoins on parle de « rétablir un équilibre dynamique ». Pareil « équilibre » a-t-il jamais existé ? Au temps de la domestication des espèces ? Des grands défrichements ? De l’industrialisation ? Nulle année 0 à laquelle se référencer hélas dans les sources ministérielles.

Ou bien cette définition originale est-elle un compromis pour rapprocher le développement durable de la Transition écologique, absente du propos ? Ou comment faire un pas et-demi en avant…

Cette tension initiale, on la retrouve dans la déclinaison dans les précisions des programmes.

Au Collège

Les axes mis en avant sont : le changement climatique, le développement durable et la biodiversité

On note évidemment la confusion entre des termes qui ne sont pas sur le même ordre de pensée: le Développement durable est l’ensemble du sujet, le réchauffement et la chute de la biodiversité en sont deux aspects.

On note aussi l’absence de la Transition écologique, dans le champ des idées, de l’épuisement des ressources terrestres (donc on a vu la complexité polémique) dans le champ des domaines concernés.

La plupart des matières sont désormais mobilisées mobilisées, de manière assez complémentaire (l’ensemble des occurrences ne sera pas cité, du fait de leur nombre) :

Pour connaître :

SVT, Géographie, Histoire permettent de comprendre les mécanismes initiaux

Pour illustrer, intégrer au discours quotidien, voir les enjeux sur la société :

mathématiques, physique-chimie, langues, géographie, technologie notamment

L’exemple le plus marquant est l’évolution des mathématiques, qui mobilisent le Développement durable comme support des exercices :

  • en cycle 3

 » Les thèmes du changement climatique, du développement durable et de la biodiversité doivent être retenus pour développer des compétences en mathématiques et favoriser les liens avec les disciplines plus directement concernées. Une entrée par la résolution de problèmes est à privilégier. » 

  • en cycle 4

 » Les problématiques liées au développement durable, au changement climatique et à la biodiversité doivent figurer au cœur des préoccupations. Dans ce contexte, les outils de descriptions (ordre de grandeur, échelles, représentation graphique, volume, proportion…) et les applications ou exemples de contextualisation proposés aux élèves permettent de mener une réflexion sur ces problématiques.
Cette contextualisation est propice à l’utilisation d’outils de modélisation et de prévision. À titre d’exemple on peut citer :
– les outils statistiques de calcul (notamment de moyennes de mesures) et de représentations graphiques (diagrammes en barres ou circulaires, histogrammes, etc.) des données climatiques ou énergétiques ;
– les fonctions pour modéliser les évolutions temporelles de grandeurs (température, niveau des océans, consommation électrique, etc.) ;
– les formules littérales pour traduire les relations entre des grandeurs climatiques ou énergétiques (puissance de sortie d’une éolienne, évolution de concentration en gaz carbonique, etc.).
Les situations choisies doivent autant que possible s’a
ppuyer sur des données réelles. »

Pour réfléchir à un possible engagement au sein des valeurs de la République :

Le Développement durable a une place ambigüe en EMC.

D’une part, après les longs développements sur les valeurs de la République, l’introduction présentant les finalités communes des programmes de cycle 2 à 4 aboutit à « culture civique », « portée par certaines des actions », « en particulier les actions concernant l’éducation au développement durable, au service d’une prise de conscience écologique ».

L’écologie arrive donc au terme de tous les autres enseignements civiques, comme l’une de ses illustrations possibles.

D’autre part, la version « cycle 3 » de ces finalités affirme que l’on procède ainsi à « une progressive acculturation écologique ». Propos O combien étonnant, acculturer les élèves, rien que ça, on n’est pas loin de la propagande. Nous ne connaissons pas d’autre exemple d’une telle affirmation dans ces programmes.

Mais étonnamment, dans la version « cycle 4 », ce passage a tout simplement disparu, alors que ces finalités sont sensées être communes des cycles 2 à 4 !

En conclusion, on doit reconnaître que la mutations des programmes en 2020 a tenté de donner une véritable cohérence autour du Développement durable.

Néanmoins, on ne trouve pas de progressivité ni d’articulation entre les niveaux et les matières, bien souvent les addenda concernent les introductions ou invitent à choisir des supports d’exercices dans le cadre d’enseignements sur des notions ou des compétences autres. Une forte impression de saupoudrage, tout comme le risque de répétitions, vient rapidement après l’impression première de cohérence.

Mais il n’était certainement pas possible de faire plus, sauf à reprendre tous les programmes à peine rédigés !

Au lycée

L’essentiel des modifications de 2020 concerne le Collège. Au Lycée la place du Développement durable était plus importante, mais là aussi complexe.

On retrouve les matières apportant une connaissance des mécanismes, puis les matières apportant une illustration, une insertion au sein des enjeux de la société (l’ensemble des occurrences ne sera pas cité, du fait de leur nombre).

Pour la connaissance, classiquement, la SVT et l’enseignement scientifique du tronc commun, ainsi que la Géographie sont sollicités.

Le programme d’histoire Géographie de Seconde a ainsi un thème « Sociétés et environnements : des équilibres fragiles ». Il aborde notamment « Le changement climatique et ses effets sur un espace densément peuplé ».

Pour l’illustration, les programmes de tronc commun ou de spécialité sont mobilisés à l’occasion.

Ex : en spécialité SES un long développement sur la croissance s’achève sur l’évocation des « limites écologiques, notamment l’épuisement des ressources, la pollution et le réchauffement climatique ». Mais « l’innovation » et l’action publique sont appelées pour surmonter ces obstacles.

En spécialité HGGSP un thème en Terminale intitulé « L’environnement, entre exploitation et protection ». Au programme les ressources (le bois), le climat (histoire et négociations) et une étude de cas sur les Etats-Unis.

Les langues offrent aussi la possibilité d’aborder un thème riche en possibilités d’échanges : « Sauver la planète, penser les futurs possibles » (où l’on trouve même la cause animale !).

Néanmoins, la réflexion sur la dimension citoyenne reste très marginale.

L’EMC, qui repose sur deux axes dans chaque année de lycée, offre de traiter deux études pour chaque axe, à choisir parmi 6 ou 7 propositions, dont une seule porte à chaque fois sur l’écologie. On peut donc traverser le lycée sans avoir jamais abordé l’écologie en EMC (matière qui est déjà souvent peu traitée…).

Quant à la philosophie, elle n’est pas plus concernée : une seule notion du tronc commun (« la nature », thème immensément vaste…), une étroite possibilité en spécialité HLP (l’humain est ses limites).

Le bilan est donc assez proche de ce que l’on a observé au Collège. Un effort louable de mise en cohérence, autour d’une vision encore largement utilitariste de Développement durable (cf SES ou géographie). Mais pas de progressivité ou de mise en cohérence, avec des répétitions inévitables.

Un bilan global ?

La reprise des programmes de 2020 a été un changement majeur devant des programmes qui ont été rédigés en laissant une place très allusive, dispersée et légère à la question du Développement durable, et négligeant la Transition écologique.

Toutefois, au final, combien de fois les élèves auront-ils entendu parler de manière assez simple des mécanismes du réchauffement climatique et de la chute de la biodiversité ?

Cette approche légère et fractionnée pose question face à des gouvernements qui semblent s’obstiner à ne pas agir.

Mais à quel moment les élèves ont-ils été amenés à croiser ces enjeux de développement durable avec d’autres questions. La croissance démographique de l’Afrique ? (un milliard d’habitants en plus dans les décennies à venir). Le prix du changement de système de production d’énergie primaire qui va prendre des décennies ? (la quasi-totalité des grandes puissances consomme à ce jour entre 65 et 80 % d’énergies fossiles). Les aspects géopolitiques, de puissance ? (il n’aura échappé à personne que Chine et Russie ne sont pas dans une posture très pacifique)…

A enseigner des vérités simples, arme-t-on véritablement des citoyens devant des choix, quels qu’ils soient, qui ne peuvent s’opérer en faisant du développement durable une seule pensée morale ou utilitariste à court terme.

Dans la vie de l’établissement

Les autorités ne se contentent pas de placer la Transition écologique dans les programmes. Celle-ci s’inscrit dans toute la vie du Collège ou du Lycée, à des degrés divers.

– Les élèves élisent désormais un « éco-délégué » dans chaque classe. Les élèves élus sont responsabilisés dans la mise en œuvre d’actions écologiques, jusqu’au Comité de pilotage académique de l’Education au Développement durable, qui compte désormais des élus élèves. CAVL et CNVL se doivent aussi de tenir chaque année une séance dédiée à l’environnement.

– Chaque établissement se voit désormais enjoint de posséder un espace de biodiversité, potager, arbre planté, nichoir ou composteur.

– Un appel à projet « Ecole verte », prix de l’Education au Développement durable (2030), est aussi lancé, pour soutenir les projets les plus innovants.

– Un concours Climat, Usages, Bâtiments Scolaires (CUBE-S) distingue les établissements qui auront collectivement mené une réflexion visant aux économies d’énergie.

– Dans chaque académie, le Rectorat peut attribuer un label E3D (avec plusieurs niveaux) pour valider la démarche globale de Développement durable de l’établissement.

– Enfin, certains établissements se lancent dans la rédaction d’un Agenda 21 scolaire, dans la lignée des Agenda 21 de l’ONU, des plans d’action à moyen terme visant des objectifs de développement durable.

En parallèle, région par région, des politiques sont menées par les élus qui soutiennent ou incitent les politiques vertueuses pour l’environnement dans les établissements, pour la cantine ou pour la rénovation des locaux notamment, puisque c’est la région qui en a la charge.

On le voit, le Projet d’établissement peut être un outil de mise en œuvre d’actions diverses, pouvant être reconnues publiquement.

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Sites pédagogiques sur la transition écologique

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Le cadrage institutionnel

Les données officielles sur Education.gouv.fr

Pour une première approche

Pour une version plus précise et développée

Pour un cadrage élargi des politiques et services de l’Etat qui interviennent dans l’éducation

Pour les politiques d’établissement

Le Challenge CUBE.S

Les établissements en Label E3D

L’Agenda 21 scolaire

Les sites pédagogiques

Vous trouverez mille témoignages d’enseignants ou d’établissements. Sont ici privilégiés les sites-ressources, plus larges.

Wikipedia: Éducation à l’environnement et au développement durable

Pour le cadrage historique et institutionnel, une base solide.

Profsentransition.com

Un site issu d’une association, et qui aspire à fédérer les ressources et énergies autour de la transition écologique. Plus encore que le site, la page FB est un lieu utile pour les enseignants.

ADEME, Agence de la Transition écologique

LA mine d’or ! Des activités, des jeux sérieux, des ressources, bien classées et en grand nombre. Cette agence de l’Etat chargée des politiques de maîtrise énergétique a confirmé sa place centrale dans la démocratisation d’une écologie de terrain.

Innovathèque

Comme on pouvait s’y attendre, ce site accessible via Eduscol offre une foule d’expériences détaillées, directe remontée du terrain. C’est très riche, à la condition de varier les mots dans le moteur de recherche: écologie, développement durable ou transition écologique, par exemple, ne donneront pas les mêmes résultats.

Education développement durable

Un site qui n’est plus entretenu depuis quelques années, mais qui peut tout de même apporter des idées. Vous verrez vous-même.

Doc pour docs

Là au contraire c’est tout à fait actualisé. Quand les documentalistes parlent aux documentalistes, ça donne un site très utile pour monter des activités.

ONISEP

Ce site bien connu pour l’orientation (et on peut y chercher les métiers du développement durable bien entendu !) offre aussi des séquences pédagogiques. En voici un exemple, intéressant.

#MardiEDD sur Twitter

Des actus écolo-pédago par Eduscol, très varié et sans cesse renouvelé.

Des ressources sur le changement climatique

Sur Eduscol une page de ressources très vastes, avec plusieurs exemples d’actions. Un très bon point de départ pour travailler sur la question.

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