Accueil> Poser sa relation avec les élèves>Travailler avec des adolescents

Cette page présente des pistes de gestion d’un groupe classe qui dérape.

Globalement, il est important de réaliser que les stratégies relèvent souvent d’une même grammaire, qu’il s’agisse de gérer un tsunami, une épidémie, une attaque informatique ou une classe dissipée. En abrégé ça donne le célèbre « protéger-alerter-secourir ».

Prenons l’exemple d’une classe qui devient par trop perturbée. On y observe souvent un très petit nombre (1 à 3) de personnes charismatiques, déterminées, assez intelligentes pour profiter d’une mise en chaos. C’est le coeur de la contestation ou de l’agitation. Puis, autour de ces personnes, un groupe de suiveurs, en quête de divertissement, d’appartenance, de fuite. Enfin un 3e cercle de personnes mi dérangées-mi amusées, qui penchent vers l’amusement mais sans s’impliquer.

Le premier temps consiste ainsi à s’informer sérieusement sur ce qui se passe, et rapidement mettre en place des mesures pour éviter l’aggravation de la situation, faire en sorte qu’elle baisse légèrement en virulence. Qui sont les personnes impliquées ? Souffrent-elles de troubles du comportement, sont-elles HPI ? Et autour, les élèves sont-ils en difficulté scolaire, familiale ? On n’agit pas de la même façon avec des élèves qui viennent de traverser un drame familial ou avec des enfants en simple doute adolescent. On ne cadre pas un orgueilleux comme on cadre un hyper-actif.

Ce premier temps peut être celui d’un recadrage fort, qui rompe avec le train-train des protestations-punitions. Cela peut passer par l’intervention d’un personnel de direction.

Alors vient le temps de l’action.

La première cible, la plus simple, c’est le gros de l’effectif de la classe. Elle doit cesser d’apporter un carburant à l’incendie. Dans le volet négatif, on peut opter pour des pratiques pédagogiques moins ouvertes: cours magistral, exercices stricts, sur une petite période. Sans confiance, pas de pédagogie de la confiance. Egalement, tous les parents peuvent être informés, voire convoqués en une fois. Ceux qui viendront sont la cible : ceux qui suivent leur enfant, et qui veulent un retour à l’ordre. Il se peut certes que certains viennent contester l’équipe enseignante. Une stratégie peut être de jouer le rôle de l’enseignant raisonnable et responsable et de les laisser agresser, ils finiront par retourner contre eux ceux qui veulent le calme et qui, pour être discrets, n’en sont pas moins nombreux. On n’agit qu’avec les réalités, s’il faut du temps c’est qu’il fallait du temps.

On peut aussi et surtout récupérer ces élèves du premier cercle avec des propositions intéressantes, alléchantes, que le chaos compromet : travail de groupe, sortie pédagogique, rencontre…

Alors vient le temps du deuxième groupe. Si l’on prend en compte leur fragilité, on peut essayer de réduire le mur qui les séparait du groupe des élèves intégrés: mobiliser de l’aide aux devoirs, de l’orientation pour donner du sens à leur travail… et puis les intégrer au travail des autres élèves, en faisant un plan de classe qui disloque leur groupe (dans une guerre, on cible toujours en premier les communications de l’ennemi) et les oblige à côtoyer des élèves inconnus, en faisant des travaux en groupe désignés. Une dimension importante est souvent ici l’idée de séparer un groupe de garçons, d’amener ses membres à échanger avec des filles. Ou bien s’il est des garçons en réussite dans la classe, en rapprocher certains qui en étaient éloignés et bénéficieraient de ce compagnonnage. Revoir des enfants et des élèves là où on voyait des problèmes et des échecs.

Reste le coeur du problème, les « meneurs ». Si les deux étapes ci-dessus ont réussi, ils vont vivre un moment terrible d’un point de vue narcissique. Leur réaction peut être très violente. Deux pistes s’offrent pour des élèves qui visiblement n’aspirent pas à être dans le rang. Ou bien on leur donne un nouveau rôle positif (dans la création, le management d’un projet, ..), ou on les exclut un certain temps, pour que la classe réapprenne à vivre sans leur lumière noire. Ce temps doit être perçu comme un moment propice pour placer des rendez-vous extérieurs au collège, des temps de réflexion sur leur propre vie et leurs propres souffrances, afin qu’eux aussi, sans que les autres sachent, aient gagné un peu dans leur vie de jeune dans cette opération.

Car, à chacune de ces étapes, il est fondamental de rappeler le contrat qui doit lier enseignants et élèves. Les personnes ne sont pas jugées, ce sont les actes. Les sanctions ne sont pas une fin en soi, pas plus que le silence ou l’immobilité. Ce ne sont que des modes opératoires permettant de faire acquérir des connaissances et compétences qui permettront aux jeunes de devenir des adultes indépendants et capables. Tous, oui tous ont une place dans notre attention et dans la société. Cela peut paraître évident, inutile, mais, en vrai, quand dit-on explicitement cela aux élèves ? Et cela ne coûte rien de le rappeler.

L’idéal est que, dans cette démarche, l’équipe avance unie. Enseignants, administration, vie scolaire. Et que ça se voie. Car il faudra quelques réunions, être rude avec une classe ou des élèves avec lesquels ont avait passé de petits accords tacites de non-agression ou de complicité, refaire quelques cours ou progressions; bref se fatiguer un peu plus.

On le voit, il faut un pilote, ou tout au moins un comité de pilotage. Le prof principal est tout indiqué, mais ça peut venir de n’importe où.

On le voit aussi, le succès est loin d’être garanti, à chaque étape. Mais ce qui sera gagné sera gagné, et au moins on aura fait quelque-chose. Un peu de temps aura été gagné.

Or, le temps, c’est finalement ce dont ces élèves ont besoin pour grandir, passer à autre chose, et revenir nous voir quelques années plus tard. On vous a bien embêté, tout de même… dans un sourire qui dit toute la tendresse qu’ils éprouvent et leur gratitude pour vos efforts. Ce qui arrive, en vrai. Parfois.

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