Accueil>Construire ses cours> Structurer ses enseignements> L’évaluation: enjeux >L’évaluation par notes ou par validation de compétences

– Les notes : c’est le plus mauvais système d’évaluation des acquis, … à l’exception de tous les autres ? Il a été depuis longtemps démontré que chaque enseignant est un gaussien qui s’ignore. On donne un paquet de copies à corriger : les notes se répartissent autour de 10 en une courbe de Gauss. C’est la « constante macabre ». On enlève les copies centrales, on redonne le paquet restant à corriger à d’autres enseignants : re-Gauss. Idem si l’on enlève les copies aux notes extrêmes. Donc une note reflète en grande partie l’écart au sein d’un groupe donné, et pas assez l’acquisition de compétences.

La note pèse aussi sur l’enseignant par sa dimension collective. Quel enseignant n’a pas ressenti l’angoisse d’avoir une moyenne bien trop élevée lors d’un conseil de classe, au risque de passer pour « laxiste », si les élèves ont trop bien réussi ? Et de corser un peu plus l’évaluation…

Enfin, et surtout, la note conditionne fortement l’image de soi du jeune en tant qu’élève. Toute sa vie on se souvient de ses notes de bac ! Par conséquent les notes calamiteuses n’aident guère à renforcer les élèves en difficulté, malgré toute la bonne volonté des enseignants qui essaient les petits devoirs pour remonter le moral des troupes. Un élève arrivé en Terminale a vu ses connaissances et capacités croître… et ses notes décroître, on l’en a averti comme si c’était logique ! (et il n’a encore pas vu la classe prépa’ !). Peut-on sérieusement considérer qu’un élève de Terminale ait un 5 sur 20, soit un quart de toutes les compétences acquises depuis son entrée en CP et que valide le baccalauréat ?

La question vient en fait du sens que l’on donne à ces notes. Un 20/20 signifie-t-il que toutes les attentes ont été atteintes ? Dans ce cas un 10/20 signifie que seule la moitié des attentes est satisfaite, et la question de la valorisation des apports dépassant les attentes reste sans réponse, tant que l’on n’a pas la possibilité de donner un 25/20. Ou bien estime-t-on que dans notre actuel système un élève passe d’une classe à une autre et obtient ses diplômes avec 10/20. Donc à ce niveau de résultat un élève est réputé avoir validé une part suffisante des attentes. Les points supplémentaires viennent récompenser des acquisitions supérieures, ce qui justifie la dimension mythique du 20/20.

Selon les circonstances et les matières, ces deux acceptions coexistent, ce qui pose de redoutables problèmes d’interprétations, surtout quand dans les sciences humaines il est demandé de monter à 20 au brevet ou au baccalauréat pour des copies qui se contentent de remplir les exigences élémentaires, et non les points à valoriser. 

Ce qui est certain, c’est que cette discussion a lieu très rarement avec les premiers intéressés, les élèves. Et pourquoi pas ?

Le ministère et les corps d’inspection soutiennent donc des modalités reposant sur les compétences, parallèles aux notes (avec un succès mitigé) ou se substituant à elles. S’agissant d’un mode radicalement différent, c’est toute une représentation qui est ébranlée, avec à la clef un lourd travail pour créer des modes nouveaux. Mais la réussite de ces expérimentations en Ecole primaire, où l’on met de côté les classements et identifications négatives liées aux notes depuis des années, l’appui sur le Socle au Collège et maintenant le DNB poussent de plus en plus dans cette direction. Les élèves intègrent ces modes de fonctionnement, avec des résultats positifs le plus souvent [1].

Le travail pour l’enseignant se concentre au moment du changement de mode d’évaluation. Il faut du temps pour bâtir ses grilles d’évaluation. Mais une fois qu’elles sont réalisées, le travail n’est pas beaucoup plus long par copie. En revanche, il est alors intéressant de conserver une trace du résultat obtenu par l’élève, et alors il y a un travail de saisie qui prend un temps supplémentaire.

Mais auprès des élèves le fait de poser chaque résultat sur une compétence facilite le dialogue avec l’enseignant (loin des légendes sur la note « au pif ») et facilite un discours valorisant. Une distanciation s’opère plus facilement entre la note et le rapport humain entretenu avec l’élève: on parle de points techniques. L’élève est alors plus à même de prendre comme siennes des critiques qui ne relèvent pas de l’appréciation subjective d’une personne extérieure, qui suscite une réaction de défense, mais d’une analyse le plus objective possible, et qu’il peut partager.

Les discussions qui s’engagent autour de la construction de ces grilles de compétences n’est pas sans rappeler celles qui eurent lieu à la fin du siècle précédent autour des barèmes et autres grilles de correction. Déjà à l’époque on constatait que ces grilles entraînaient une disparition des « mauvaises » notes, freinaient la possibilité du 20/20 d’enthousiasme car il restait toujours quelque-chose de perfectible, et rendaient le travail non seulement fastidieux mais aussi morcelé en items au sens obscur. Et l’on était revenu aux notes globales, outil de synthèse immédiatement lisible… O fortuna, velut luna, statu variabilis [2]…

[ Il est à noter que la structuration par compétences relève d’une analyse des savoirs et techniques comme objets pouvant être transférés dans d’autres contextes ou d’autres opérations plus complexes. L’évaluation par compétences s’opère donc souvent au travers d’exercices mettant en jeu des cadrages décalés par rapport au contexte sollicité lors du cours. ]


[1] La question des compétences ne concerne pas que la France. Pour preuve, ce travail de retour sur expérience au Québec :

La vogue des compétences dans la formation des enseignants: bilan critique et perspectives d’avenir, Maurice Tardif, Jean-François Desbiens, Éditeur PU Laval, 2014

[2] O Fortune, telle la Lune, aussi changeante (Carmina burana)

Un commentaire sur « L’évaluation par notes ou par validation de compétences »

Laisser un commentaire