Accueil > Les grandes compétences: Créer
a) Enjeux
- Les voies de la création
- Favoriser la créativité
b) On fait comment ?
- Mettre en oeuvre ses connaissances
- Retrouver la liberté de modifier l’existant
- Créer le cadre de vie qu’on désire
a) Enjeux
Les disciplines artistiques sont les premières concernées (arts plastiques, musique), mais en réalité toutes les matières peuvent s’impliquer dans un processus créatif ou de mise en action des élèves ! On est ici au sommet des capacités mises en jeu à l’école. Les élèves disposent de capacités que l’on explore peu, et qui parfois redistribuent les cartes entre « bons élèves » et élèves en difficulté.
* Les voies de la création
- La compréhension des mécanismes de création est un enjeu crucial pour les entreprises, et a fortement mobilisé les chercheurs.
Ils ont tout d’abord établi que la créativité nécessitait de proposer des solutions multiples, inattendues, à un problème donné. Il existe donc des tests permettant de mesurer le niveau de pensée divergente d’un individu, sa capacité à se libérer des cadres de pensée pré-existants : la réflexion s’oriente en premier vers les solutions les plus simples, aller plus loin nécessite effort, volonté, et donc entraînement. Mais il est apparu ensuite que proposer des idées farfelues n’était pas suffisant, il fallait aussi prendre en compte la possible mise en application de ces idées, avec donc un retour aux contraintes du réel, dans une pensée convergente.
La créativité dépend du profil personnel de l’individu, mais aussi pour une large part de son éducation et de sa formation. Se pose alors la question du statut de l’exemple. Un exemple ouvre un possible à l’individu, et donc un espace de créativité. Mais il oriente aussitôt la pensée, et limite sa capacité à créer ex nihilo un chemin de réponse…
Enfin, plutôt que de La créativité, il faudrait parler des créativités : elles divergent quant à leur forme (approfondie, variée, originale..) et surtout leur domaine d’application (logique, arts, sociabilité…).
Toutefois, peut-on enseigner la créativité ? Au même titre que l’esprit critique, Meirieu nous dit qu’ « en se donnant les moyens de les mettre en place et de les évaluer, on les réduit à de simples habiletés et les vide de leur contenu. […]Nous nous demandons pour notre part si ce n’est pas là l’expression limite du projet d’instruire […] que porte une volonté de maîtrise et contre laquelle peut s’affirmer une véritable éducation. » [1]
A ses échelons les plus simples, on est proche de la capacité à transférer. En effet exploiter des connaissances ou des compétences dans un contexte différent, pourquoi pas insolite, est à la fois un transfert horizontal et une possible création. Tandis que l’inventivité se nourrit souvent d’une expertise croisant plusieurs sous-compétences (transfert vertical), qui libère de l’espace cognitif pour des tâches plus ambitieuses. (le transfert est spécifiquement traité dans la page attachée à ce lien)
Tâches qui peuvent être réalisées par une large part des élèves dans ce cas, quel enfant n’invente pas ? Mais s’il faut avant d’inventer maîtriser toute une masse de matière scolaire… Et l’on cantonne dans des tâches peu valorisantes certains élèves qui auraient pu toucher le ciel.
- Plusieurs niveaux de créativité peuvent être distingués :
– capacité à synthétiser un phénomène, à en dégager une réflexion ou une conséquence non apprises
– capacité à faire appel à un mode opératoire différent de ceux proposés dans le cours, en s’appuyant sur une bibliothèque de solutions large, issue d’autres cours ou de pratiques extérieures à l’école, c’est à dire en mobilisant sa culture
– créer de toute pièce quelque-chose qui n’existait nulle part auparavant
* Favoriser la créativité
Pour prendre un exemple, le (très médiatique) mathématicien Cédric Villani propose, dans l’excellent dossier « Comment le cerneau innove » de la revue La Recherche (novembre 2015), 7 ingrédients :
– la documentation, la connaissance du sujet
– la motivation (il voit dans le manque d’intérêt pour la science une menace sérieuse pour l’avenir scientifique des pays développés)
– le travail acharné / le repos
– la persévérance
– les échanges (il insiste sur le fait que la plupart de ses articles sont co-signés, que les Nobels sont aujourd’hui attribués le plus souvent à des équipes)
– un environnement de travail propice, stimulant, offrant des pistes de réflexion
[Il est à noter qu’André Tricot place notre travail dans cette catégorie: « La conception pédagogique relève des activités de conception créatives. »[2], dimension dont les conséquences sont développées dans l’article d’Educavox: Enseigner, une activité créative, de Claire-Marie Greiner-Mourez. ]
b) On fait comment ?
De manière générale, l’Expérithèque du site Eduscol regorge d’idées. On trouvera aussi des exemples sur Innovation & Education Lab. Signalons enfin un dossier des Cahiers pédagogiques, « Enseigner la créativité » (mai 2021).
Ci-dessous figurent des dispositifs plus modestes mais aussi plus facilement transposables.
* Mettre en oeuvre ses connaissances
Inventer une histoire mettant en jeu les éléments d’un chapitre
Monter une atelier d’écriture, dans le cadre d’un EPI : on lance le sujet avec l’étude de quelques dossiers de cadrage, les élèves choisissent un axe qui leur plaît, on visite une infrastructure culturelle dans laquelle les élèves puisent images et imaginaire, puis au retour ils inventent un récit mettant en scène leurs découvertes et idées : témoignage fictif, scènes de théâtre, récit.
En économie, on ne compte plus les entreprises virtuelles ; pourquoi ne pas développer le concept dans les autres matières, avec des organismes à gérer dans des jeux de simulation ? Avec des cartes hasard, des dés, un budget initial, des rôles et objectifs différents, on réinvente un monopoly adapté aux enjeux du cours. C’est un gros travail de préparation et de test (pour vérifier les montants, les chiffrages notamment), mais l’efficacité pédagogique est forte.
Philippe Meirieu propose, dans le tome 2 de son ouvrage sur Apprendre en groupe (op. cit.), des exemples de séquences favorisant la création, notamment un dispositif destiné à faire créer des histoires en groupe, à l’aide de mots, outils narratifs et musiques piochés de manière aléatoire par les élèves.
* Retrouver la liberté de modifier l’existant
– Présenter un mécanisme sous forme d’organigramme ; le structurer (couleurs selon les domaines, les thèmes par ex.) puis demander aux élèves de modifier son cours par des éléments supplémentaires, et voir les conséquences sur toute la structure. C’est possible sur des institutions, un éco-système, un récit…
– Travailler avec l’intendance ou l’infirmerie, l’assistante sociale, sur la lutte contre les gaspillages (dans l’alimentation, dans la gestion des déchets collectifs).
– Modifier les règles d’un sport en fonction d’un objectif que l’on a choisi
– Organiser une journée de sensibilisation à la mobilité réduite dans l’établissement, en proposant de se déplacer en fauteuil ou avec des béquilles une demi-journée, puis dresser une liste d’améliorations à apporter.
* Créer le cadre de vie qu’on désire
– Déterminer collectivement ce que l’on décide de retenir dans un programme. Exemple : en arrivant au lycée, les élèves sur un créneau d’AP choisissent la liste des faits qu’ils estiment devoir retenir dans ce qu’ils ont travaillé au collège. Ils seront régulièrement réinterrogés sur cette liste, de façon à l’ancrer solidement (et de façon à pouvoir prouver leur détermination à poser des bases solides à leurs connaissances, évitant ainsi les « travail insuffisant » dans le bulletin).
– Créer des moments festifs collectifs : les élèves choisissent ce qu’ils veulent mettre en œuvre, ou comment ils veulent le mettre en œuvre = pique-nique, jeux simples (chamboule-tout, tir à la corde, pêche aux canards), soirée dansante, sweat-shirt ou album photo de promotion.
* Evaluer la créativité ?
Redoutable tâche, qui restera ici sans réponse formelle. Tout au plus pouvons-nous vous conseiller l’article de Marie-Laurence Caron-Fasan et Valérie Bardot dans Educavox.
[1] Philippe Meirieu, Apprendre en groupe, tome 1, Itinéraire des pédagogies de groupe, Chronique sociale 1996 (6e éd.)
[2] André Tricot et Manuel Musial, Précis d’ingénierie pédagogique, éd. De Boeck, 2020