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Plan
1) La Posture initiale
- – Auprès de l’élève
- – Auprès de l’entourage
2) On fait comment ?
- – Avant, pendant les problèmes
- – Dans les différents champs de compétence
- – Globalement
1) Posture initiale
– Auprès de l’élève
B. Cyrulnik insiste sur l’importance qu’il y a à s’appuyer sur des référents, des « tuteurs de résilience ». L’école peut jouer ce rôle, globalement ou au travers d’une personne qui aura une place particulière auprès de la personne souffrante.
Wolin et Wolin (1999) puis le psychanalyste P. Bessoles (2001) ont ainsi retenu sept caractéristiques de personnalité susceptibles d’avoir un rôle protecteur face aux évènements difficiles.
Ces personnes font tout d’abord preuve d’une aptitude aux relations, qui leur permet d’entrer en contact et de respecter la parole de l’élève en souffrance. Ensuite ces personnes se distinguent par leur autonomie, ce qu’il décline dans la capacité à avoir un grand sens moral mais aussi une certain esprit critique. Cette autonomie amène aussi à pouvoir faire preuve d’initiative et de créativité pour apporter une réponse adaptée, parfois inédite ou sortant des routines du métier.
Enfin l’humour est mis en avant, en ce qu’il permet à la fois l’autodérision et la mise à distance des problèmes, sans pour autant les nier.
Ces compétences sont celles sur lesquelles s’appuie l’enseignement au quotidien, même si l’humour est rarement évoqué et moins encore enseigné en formation initiale ! Et l’on se met à rêver…
Ces qualités vont permettre de déployer des stratégies qui se caractérisent par la confiance en l’élève, il peut réussir, quoi qu’il ait vécu. On retrouve là le postulat de l’éducabilité universelle, abordé dans d’autres parties de ce site.
De là découle le choix de capitaliser sur les forces de l’enfant et de son entourage, plutôt que de pointer sans cesse ses insuffisances ou problèmes. Il est par exemple utile de valoriser les particularités culturelles, considérées comme une richesse en ce qu’elles offrent des possibilités, des références de réussite ou des champs de responsabilité supplémentaires.
De là découle aussi, et c’est souvent le plus difficile, le fait de permettre au sujet de maîtriser son calendrier, son tempo. Les injonctions, les rythmes fixés de l’extérieur, dont on pense qu’ils offrent un cadre, se heurtent le plus souvent à la résistance passive de personnes qui ne sont pas prêtes à entendre le message. En tant qu’enseignants, nous connaissons les échéances. Mais les jeunes aussi les connaissent, et n’agissent pas pour rien comme ils le font.
Dans tout cela il est fondamental d’éviter l’assignation identitaire à une victime, l’élève ne doit pas se sentir jugé. L’important est d’envisager la sortie. Sans oublier la souffrance bien entendu, mais en la laissant à sa place, non unique dans la vie de l’élève.
Et puisque l’on parle de souffrance, il en est une que l’on peut négliger, c’est le « traumatisme vicariant », celui de l’aidant se chargeant du mal de l’élève. La vie d’un(e) enseignant(e) compte autant que toute autre vie. Cet équilibre, comme bien d’autres, est difficile à tenir, la solution est dans l’entraide dans la communauté enseignante.
Les techniques mises en œuvre ont plusieurs points communs. Elles reposent sur :
- des relations bienveillantes ; il faut notamment prendre le temps d’avoir des entretiens individuels avec les élèves pour mieux cerner leurs besoins
- des attentes élevées, certes adaptées, mais réelles, pour que l’élève s’inscrive dans une échelle de valeur sociale valorisante
- des possibilités de participation enrichissantes, pour favoriser la motivation
- une (ré)insertion dans un collectif
– Auprès de l’entourage
L’entourage de l’élève est très vaste. L’école n’en constitue qu’une partie, mais c’est une micro-société, dans laquelle l’élève en souffrance peut une partie de sa journée se reconstruire. L’école offre aussi auprès du reste de la société un élément de positionnement employé positivement ou négativement. Nous devons donc jouer pleinement notre rôle.
L’école peut être un « filet de protection », dont parlent les spécialistes de la résilience, en deuxième rideau après les « tuteurs de résilience ». Ce sont les amis, les camarades, les membres de clubs ou associations, l’ensemble de l’équipe éducative, parmi lesquels l’élève va trouver une place.
Le premier service sera d’apporter un espace sécurisant, en phase de résistance. Un espace non stressant, tolérant.
Puis, en phase de reconstruction, il pourra auprès d’eux voir ses progrès reconnus, ce qui est très important.
On voit la différence avec une école perçue comme un environnement qui aggrave les problèmes. Le stress, l’anxiété bloquant la réflexion, les résultats peuvent plonger, la sociabilité peut être mise à mal. Une réactions en chaîne négative s’enclenche alors.
L’école doit aussi bien entendu prendre en compte les parents de l’élève qui va mal. Ils peuvent être mal à l’aise du fait du problème de leur enfant, mais aussi du fait de leur propre expérience scolaire. Quelle que soit leur place dans les problèmes de l’élève, notre rôle est de les placer dans leur rôle de parents, et de les sécuriser dans ce rôle, sans les juger, pour qu’ils aident l’élève dans son combat et dans son adoption d’une nouvelle posture, sans qu’il soit assigné à un rôle négatif dans la famille.
2) On fait comment ?
– Avant, pendant le problème
Environ 1/3 des élèves ont connu un problème significatif (décès d’un proche, violence, souci de santé…) avant d’arriver dans nos classes, ou les subiront lors de leur scolarité.
Nous pouvons néanmoins les aider à poser des bases qui les aideront à surmonter les épreuves.
Ainsi, il est démontré qu’avoir des attachements stables renforce les capacités de résilience. Cela signifie simplement avoir des relations fondées sur le respect de la personne des élèves et des règles, sans passe-droit. Etre juste honnête. Alors l’élève aura confiance en les enseignants et pourra s’appuyer sur eux s’il en a besoin.
Il importe aussi de développer la capacité à verbaliser, insérer dans un champ de culture et de réflexion les expériences, aborder avec un esprit critique, créer des mondes imaginaires… C’est notre quotidien, et c’est beaucoup face aux épreuves.
Lorsque le choc a lieu, l’école peut aussi offrir une protection de plusieurs ordres. Protection physique, de mise à distance sur la journée de cours, protection juridique par des adultes pouvant aider dans une démarche ou orienter vers les professionnels les plus indiqués. Mais aussi distanciation par l’ouverture d’une fenêtre sur d’autres univers intellectuels ou sur du sport, tellement nécessaire en phase de résistance.
L’école est donc un lieu essentiel d’aide à la résilience.
– Dans le cade des dispositifs existants
Parfois le temps de l’école ne suffit pas pour surmonter des problèmes. Hors cadre, des jeunes vont avoir besoin de dispositifs ou de structures spécifiques. Ils sont innombrables, et relèvent de la compétence des enseignant.e.s, infirmier.e.s scolaires, assistant.e.s sociaux/ales, enseignant.e.s référent.e.s, médecins scolaires, lorsque ce ne sont pas les juges…
Pour avoir un premier regard sur la kyrielle de réponses recherchées, selon que l’élève a des difficultés relevant du handicap, du trouble psychologiques, des troubles « dys », de difficultés scolaires, de difficultés comportementales (pouvant aller jusqu’à la justice), voici une ébauche de schéma, forcément partiel ou inexact puisque chaque département a ses propres noms de structures.

L’idée selon laquelle on ne doit jamais baisser les bras et avoir une solution à offrir à chaque jeune se heurte au mur de la difficulté à différencier ses cours dans des classes de 25-35 élèves, à recruter des personnels formés, ainsi qu’aux budgets ou à l’ignorance de l’existence de telle ou telle solution, certes. Mais on a déjà beaucoup avancé, avant c’était pire.
– Des dispositifs originaux
N’importe quel enseignant peut être amené à jouer le rôle de « tuteur de résilience », selon le choix de l’élève qui lui fera appel.
Néanmoins quelques dispositifs ont été mis en place qui tentent de développer les capacités de résilience des élèves en s’appuyant sur la place dans le système scolaire.
- Programme « SPARK Résilience », mis en œuvre par les CPE et Professeurs principaux
Sur l’Expérithèque on trouve deux exemples de mise en œuvre de ce programme très ambitieux, d’origine anglaise. L’objectif est de renforcer la résilience face aux problèmes du quotidien. C’est un dispositif lourd, posé sur 12 séances plus 4 séances d’approfondissement, avec du travail à la maison. Il a été mis en œuvre suite à des formations des enseignants, avec une coordination de l’équipe de direction et des intervenants extérieurs.
Une première mise en œuvre est présentée dans le Collège Jeanine Manuel, à Paris, et la seconde dans le Collège Les tamarins, à Saint Pierre de la Réunion.
- Discussions à visée philosophiques
Une expérience a été menée et analysée, qui visait à renforcer la capacité d’élèves en difficulté (issus de zones d’éducation prioritaires, et en difficulté en Lycée professionnel) à accepter le discours des adultes et à se replacer dans une posture de réussite.
La discussion à visée philosophique a montré là son efficace.
- Ecriture et Art thérapie
Serban Ionescu, dans son ouvrage Traité de résilience assistée (cité dans la page sur la résilience, données générales), consacre tout un chapitre aux pratiques d’écriture. Pendant le choc pour se protéger, après le choc pour se libérer. L’écriture permet une mise à distance, favorise la réflexion, et peut aider à trouver un sens à ce qui a été vécu.
C’est notamment le cas pour des soldats revenant de zones de guerre, qui ont du mal à se faire entendre de leurs proches, puisque ceux-ci limitent rapidement les récits d’horreurs.
Plus globalement, on trouve dans ce livre une valorisation de l’art comme moyen de faire s’exprimer les personnes, car cela ouvre à une reconnaissance sociale favorisant la reconstruction.
Difficile cependant de s’y retrouver dans le foisonnement des offres d’art-thérapie. L’école ne s’est pour l’instant que peu ouverte à ces micro-entreprises.
– Globalement
- Une ouverture aux parents
Au Québec, une expérience a été menée en 2018 pour aider les parents d’élèves en difficulté, afin de favoriser la réussite scolaire. Elle montre l’importance des masures d’accompagnement, pour que les parents puissent effectivement assister aux séances (horaires adaptés, aide à la garde des enfants), et de la co-animation.
- La communication positive
Il s’agit d’une conférence de Christophe Marsollier, Inspecteur général, en février 2019, disponible sur le très intéressant portail de la persévérance scolaire de l’Académie de Dijon. Tous les acteurs de la communauté éducative sont concernés. La conférence donne de très utiles clés de compréhension des mécanismes de la résilience.
Ressources
- École et Résilience, Boris Cyrulnik, Jean-Pierre Pourtois, éditions Odile Jacob, 2007
L’école peut être ce tuteur de résilience. Ce livre présente les pratiques résilientes dans l’institution scolaire, comme l’accueil des handicapés, les facteurs de résilience scolaire, par exemple contre les maltraitances familiales, les processus de résilience, comme le sens de l’humour.
- Pédagogie et résilience, Alain Goussot, éditions l’Harmatan, 2014
Une relecture de l’œuvre de grands pédagogues à la lumière de leur propre résilience.
- Inégalités scolaires et résilience, sous la direction d’Alain Thomazeau et de Nadine Juhel, éditions Retz, 2012
Un ouvrage piloté par la Fédération Nationale des Associations de « Maîtres E »
(maîtres E : enseignants spécialisés dans les aides à dominante pédagogique)
Sur Internet :
Coordonné par Jacques Crinon et Hélène Eveleigh, N° 544 – mars 2018
Kingsley Hurlington (Université Trent)
Une publication du Secrétariat de la littératie et de la numératie et l’Ontario