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Les différents styles pédagogiques
Il y a nécessité pour l’enseignant de chercher un équilibre pour aider l’adolescent à atteindre l’autonomie relationnelle et la motivation, qui incorporerait deux impératifs en apparence contradictoires :
– autorité : cadrage, sécurisation
– confiance : créer un climat propice aux expériences (attachement, empathie, possibilité du groupe de pairs, prise en compte des étapes de l’autonomie)
Tout se joue en effet dans la nuance. Dans le cadre familial, il a été observé qu’un cadre trop rigide, avec des règles immuables, tout autant qu’un cadre non normé, imprévisible, étaient tous deux dommageables à la structuration équilibrée de la pensée de l’enfant [1].
A partir de là on a fait le constat, notamment avec des adultes, de l‘efficience supérieure du mode d’action « démocratique » pour la motivation:

On peut être surpris de la présence du mot « affection » dans ce tableau. Car s’il est un tabou dans la formation des enseignants, c’est bien cette dimension sentimentale. Et la vigilance salutaire qui ne laisse plus aucune place au laxisme face à ce qui relève de la pédophilie a encore plus dressé une barrière.
Toutefois les enseignants ne se privent pas de conclure, lorsque l’année se termine et que l’on voit partir une promotion, « on les aime bien nos élèves ! ». Car il est plusieurs formes d’amour, de tendresse. C’est cette zone qu’explore avec courage Maël Virat, dans son livre « Quand les professeurs aiment les élèves, psychologie de la relation éducative » [2]. Eduquer des humains n’est pas construire un mur, « s’il y manque l’amour on n’est qu’un fifre qui résonne ». Ou, pour reprendre un mot d’un guide de Yad Vashem, « ce qui part du coeur arrive au coeur ». Les sciences cognitives montrent bien que la raison a besoin d’un ancrage humain, affectif, individuel, pour que la sécurité et la confiance s’instaurent au plus grand bénéfice de la pensée.
La diversité de ces styles pédagogiques se décline en pratiques, qu’a analysées Dominique Bucheton. Dans son ouvrage de référence « Les gestes professionnels dans la classe » [3] elle a identifié 5 postures d’étayage (d’aide aux élèves face aux difficultés):
- contrôle, surétayage
- posture du « magicien » (théâtralisation, révélation après des phases de mystère)
- posture d’enseignement et conceptualisation
- accompagnement
- lâcher-prise
On retrouve les déclinaisons des deux tendances évoquées supra, avec leurs forces et leurs faiblesses. Bien entendu chacun passe le plus souvent de l’une à l’autre de ces postures au sein d’une heure de cours, à de très nombreuses reprises. Mais des tendances se dessinent, des préférences, des routines, qui dessinent des styles pédagogiques individuels.
Dominique Bucheton a observé qu’avec l’expérience, les enseignants d’abord focalisés sur le contrôle et le suivi de « leur » activité ou du programme, acceptent de plus en plus la part de liberté des élèves, voire se lâchent sans filet vers des formes d’activité ouvertes. Ne serait-ce que parce qu’il faut une grande expérience pour saisir en temps réel ce qui ne manquera pas de bloquer chez certains élèves et vite trouver une stratégie adaptée.
Elle insiste également sur le fait que les élèves, tout à fait capables d’identifier ces postures, vont adapter une part de leur comportement à ces choix de posture… Et les mêmes élèves, dociles ou révoltés ici, seront actifs ou dispersés là. Méfiance donc pour qui croit pouvoir déterminer le profil d’une classe… Il parlerait plutôt du profil de ses enseignants (où l’on retrouve la plasticité des cerveaux, l’éducabilité universelle…).
On touche là au cœur de ce qui fait la motivation.
Dans les années 1960 le psychosociologue Douglas Mc Gregor («The Human Side of Enterprise») sous le nom de «théorie X» a affirmé que l’individu moyen n’aime pas travailler. Il faut donc le contraindre, voire le menacer : la carotte et le bâton, les notes… Mais les psychologues américains Edward Deci et Richard Ryan (à qui l’on doit le concept de «Motivation intrinsèque» et la «Théorie de l’autodétermination») ont démontré que la motivation intrinsèque était déconnectée de ces leviers. Les salariés qu’ils ont étudiés s’impliquent davantage s’ils donnent un sens personnel à leur travail, et les perspectives de salaires plus élevés sont nettement moins motivantes.
[Les différentes formes de la motivation sont abordées dans la partie de ce site correspondant à ce lien.]
Ce style pédagogique est particulièrement important pour les élèves dont la confiance en eux est faible, parce qu’ils ont enduré des épreuves, et que l’enseignant doit d’abord reconstruire un contexte dans lequel l’élève pourra s’investir avant de pouvoir donner la pleine mesure de ses capacités. C’est l’objet de la partie consacrée à la résilience et la croissance post-traumatique, ci-dessous.
La résilience et la croissance post-traumatique
… mais il ne faut pas être naïf sur les effets induits de ce mode d’action : la « domination douce » est une forme discrète d’exercice du pouvoir qui repose sur la recherche d’assentiment de la part des personnes visées. Ce sont elles qui doivent trouver un sens à leur subordination, et par conséquent elles qui devront assumer la responsabilité en cas d’échec… Dans le cas qui nous concerne, l’élève dont les résultats ne progressent pas alors qu’il est convaincu que l’institution scolaire et ses enseignants ont tout fait pour l’aider se retrouve bien seul. Comment se révolter si l’on a intégré l’idée que l’autorité est « bienveillante » ?
Ces modalités pédagogiques sont donc de nouveaux vecteurs de subordination des élèves, en ce sens qu’il ne s’agit pas d’une autonomie et d’une participation conquises, mais imposées.
Cela se traduit par des actions à plusieurs niveaux
Si un ou des élèves adoptent un comportement qui n’est pas conforme aux règles de vie que l’on entend faire respecter dans la classe, le premier réflexe est bien de se dire que c’est l’enseignant qui est concerné, et non l’individu, même s’il y a acharnement, ce qui peut arriver. On est visé parce qu’on a un rôle dans la société, une place d’enseignant dans la vie de l’élève, et c’est pour cela qu’il y a conflit. Il se peut aussi que ces comportements nous déçoivent de la part de classe ou d’élèves avec lesquels on pensait avoir une relation de travail apaisée. Mais « on n’abdique pas l’honneur d’être une cible »… Certes c’est plus facile à dire quand on ne travaille pas en établissement difficile.
Dès la rentrée : Poser un cadre
Poser son autorité sur le groupe classe ; rassurer
– Poser des cours explicitement très structurés
– Définir des objectifs clairs et peu nombreux
– Tenir le calendrier annoncé
[La dimension collective de la sécurité, ne relevant pas de l’enseignant seul, ne sera pas développée ici. Pour information, il a été établi que les dispositifs lourds (détecteurs de métaux à l’entrée, etc.) étaient contre-productifs car ils étaient inefficaces et augmentaient le climat de tension, tout comme les caméras sont dissuasives contre les acteurs rationnels uniquement… La violence est très rarement le fait d’une personne étrangère à l’établissement scolaire, et il est plus productif de travailler sur l’architecture et sur le climat scolaire [4].]
Créer un climat de confiance
– Connaître rapidement le contexte et le projet de chaque élève, l’évoquer avec lui (à l’occasion d’un entretien individuel avec chaque élève dont on est le professeur principal, par exemple)
– A chaque heure, avoir un mot ou un regard explicite pour chacun.
– Placer les cours dans l’optique de ces projets, et si besoin (de façon marginale mais explicite) adapter les contenus / démarches
– Soutenir ou développer des identités collectives (de filière, d’établissement, locale…) sans tomber dans le piège de la comparaison, par le discours ou par des actions fédératrices ; on pense aux journées d’intégration dans les grandes écoles, qui peuvent être adaptées en une journée de rentrée enrichie de dispositifs permettant aux élèves de rapidement s’entendre tout en explorant leur univers, mais aussi à tout ce dont la classe sera fière car elle en donnera une image positive auprès des autres élèves
[1]: Jacques Lautrey, professeur de psychologie différentielle
[2] Chez Odile Jacob, 2019
[3] : Dominique Bucheton, Les gestes professionnels dans la classe, ESF, 2019
[4] Eric Debardieux, « Faut-il bunkériser l’école ? », revue Sciences Humaines, n°279, mars 2016
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