Accueil>Poser sa relation avec les élèves> L’orientation, un projet travaillé avec les parents
a) Enjeux
- L’orientation des élèves
- La relation parents / professeur
b) On fait comment ?
- La place de l’enseignant
- L’orientation des élèves (dont entretiens individuels)
- La relation parents / professeur
a) Enjeux
* L’orientation des élèves
– Si l’on prend en compte la mission de l’enseignant au sein de la société, l’orientation a pu être associée à une sélection. Mais dans la société d’aujourd’hui, où les besoins de main d’oeuvre qualifiée dépassent ce que le système est en mesure de former, il est clair qu’il est plus que jamais demandé à l’école de porter le plus loin possible les élèves. L’orientation prend donc tout son sens, entre respect des individualités et encouragements à s’inscrire dans des filières ambitieuses.
– Dans la relation élève, avec un peu de pratique, on se rend vite compte que déterminer le projet de l’élève est le cœur du métier, la base à partir de laquelle toute la trajectoire scolaire de l’élève s’édifie. C’est l’aboutissement du travail sur la motivation, abordé dans d’autres pages de ce site.
Tout le monde connaît le triangle de Houssaye, qui a permis de poser les fondements de l’action enseignante dans une relation entre élève, enseignant et savoirs.
L’apport fondamental de Jean Houssaye

Toutefois il est possible de replacer ce schéma dans un champ de forces qui le mettrait en mouvement, par l’introduction d’un élément fondamental : le projet des acteurs. C’est ce que dit Freinet, lorsqu’il insiste sur l’importance du sens donné aux apprentissages scolaires.
Ainsi une large part des enseignants s’envisage d’abord comme les défenseurs d’une matière, source d’une passion qui les a amenés vers ce métier. Ils privilégient donc dans leur pratique la transmission de savoirs, vers lesquels ils désirent amener leurs élèves, et ils se réjouissent lorsque les projets de ces élèves s’orientent vers ces savoirs.
Mais pour l’élève il en va tout autrement. Il construit son projet au fil des années, dans le cadre d’influences innombrables. Et c’est ce projet qui sera le vrai moteur de son action à l’école. Qu’il vienne à manquer, et l’enseignant ne pourra s’appuyer que sur la curiosité ou sur son charisme pour pousser l’élève à travailler[1] , dans le cadre de normes sur lesquelles il a peu de prise. Que ce projet se dessine, et alors l’élève puisera dans l’école ce dont il a besoin, dans une dynamique autrement plus riche (même si cela peut amener à négliger certaines matières). Egalement, ce projet est conditionné par l’existence de la société aux yeux de l’élève, ce qui donne sens à des projets de vie tournés vers l’engagement, la construction dans le temps ; si la société vient à perdre de son sens, l’aspiration narcissique au loisir, à la consommation, au vedettariat comblent le vide, avec les effets que l’on sait sur le travail scolaire. En cette époque où la domination des diplômés sur la société n’a jamais été aussi forte et où les classes dominées par les « méritants » se réfugient dans des « vérités alternatives », on comprend bien combien à l’ouverture de ce projet se joue un moment stratégique du rapport à la société tout entière [2].

– Vient alors la question de la temporalité. L’école peut maintenir l’objectif de fournir aux élèves une culture générale, une vie n’y suffirait pas… Il faut donc choisir un moment où l’on propose une spécialisation tournée vers une finalité professionnelle.
Cependant les principaux caps d’orientation (3e, Seconde, Terminale) correspondent à des âges où les élèves sont en pleine mutation, découvrent leur personnalité, comme on le voit dans les pages de ce site consacrées à la quête d’autonomie. Et c’est là que l’on exige d’eux des choix lourds de sens !
– La création du Parcours Avenir est là pour appeler les équipes à un pilotage collectif de l’orientation.
Et le Grand oral s’appuie désormais sur une quête de cohérence entre le parcours scolaire de l’élève et son projet professionnel. [3]
[ Pour une vision globale de l’évolution des enjeux de l’orientation, la source la plus claire est le dossier de Sciences Humaines « Comment mieux orienter les élèves », de mars 2019.]
* La relation parents / professeur
– Le poids des parents ne cesse de progresser au sein du système scolaire. Ce sont eux (ainsi que leurs enfants) qui décident du passage dans l’année supérieure dans toutes les classes du collège et du lycée.
En Troisième le chef d’établissement a le dernier mot, mais il ne peut proposer qu’un choix alternatif d’orientation, la famille seule pouvant demander un « maintien » . En effet il a été constaté que de nombreux élèves de lycée professionnel vivaient leur orientation comme une punition imposée et non comme un choix, ce qui entraînait une forte démotivation en arrivant dans leur formation. En laissant la responsabilité aux parents on espère résoudre ce problème, quitte à envoyer en Seconde GT des élèves qui y seront en grande difficulté.
Idem de Seconde à Première les Conseils de classe doivent proposer une solution en Première, seule la famille peut demander au titre de dérogation un « maintien ».
La pression sur l’orientation est donc maximale, considérant que les places correspondant aux vœux des élèves en Lycées professionnels sont très rares (ces formations sont coûteuses, et donc contingentées). Faute de place en Lycée professionnel, des élèves sont donc envoyés par défaut vers des filières technologiques ou générales. Le LP ne manque donc pas de candidats, comme le veut un discours tant de fois repris, mais de budgets. Et de nombreux professionnels pestent contre le manque de jeunes qualifiés dans des métiers qui emploient.
– Outre l’orientation, les parents d’élèves jouent un rôle important dans la réputation d’un établissement. Il leur est loisible de choisir l’établissement de leur enfant, au travers du choix de quelques options ayant conservé un statut dérogatoire, du choix de l’enseignement privé, ou plus massivement au travers de stratégies immobilières: la détermination d’un quartier où faire vivre sa famille est souvent conditionnée par l’image des écoles qui lui sont attachées. Tous les géographes montrent que ces stratégies d’implantation sont un facteur fort de ségrégation sociale dans nos sociétés occidentales.
Or la connaissance effective que les parents ont des enjeux et des pratiques scolaires est fort ténue le plus souvent, ils n’ont que peu de temps à consacrer à l’actualisation des images héritées de leur propre passage sur les bancs de l’école. Pour un établissement, il faut une dizaine d’années pour reconstruire une réputation, et celle-ci peut s’effondrer en 5-6 ans, le privant de ses meilleurs éléments.
– Enfin les parents ont une image du travail scolaire qui a évolué avec leur propre rapport au travail. Nous en sommes à la première voire la deuxième génération d’élèves dont les parents ont reçu un enseignement où on privilégie le comprendre sur l’apprendre[4]. Idem pour la culture générale, les parents d’aujourd’hui consacrent plus de temps à la télé-réalité ou internet qu’à la lecture d’un quotidien ou à la télévision diffusant des films et pièces de théâtre. Combien d’adultes suivent les actualités quotidiennement, ce que l’on attend des élèves ? Ce rapport au travail est bien entendu mis à mal par le chômage de masse, qui touche notre pays depuis maintenant 40 ans. Là encore les générations se suivent.
b) On fait comment ?
* L’enseignant est un adulte, un représentant de l’Etat, un porteur de savoirs.
Il est un élément éminent de la société telle qu’elle se présente au jeune qui y construit sa place.
Si l’enseignant porte un regard désabusé et cynique, pessimiste, ou au contraire d’un optimisme béat, niant les problèmes, etc., alors l’élève intégrera ce regard parmi la foule de ceux auxquels il est exposé, et au final s’élaborera sa propre vision de sa place et de son avenir. Comment dès lors ne pas nous attribuer une part de responsabilité dans la vision morose qu’a la jeunesse française quant à son avenir collectif (enquête après enquête[5] ), alors que les jeunes se disent peu inquiets pour eux-mêmes ?
En tant que représentant de la société, l’enseignant agit. Un travail de Professeur principal assumé et réussi n’est-il pas une première étape dans l’élaboration de l’image d’une société où les adultes assument leurs responsabilités, portent vers la vie les plus jeunes, en s’appuyant sur le cœur du travail scolaire, la transmission d’un legs précieux ? On n’enseigne que par l’exemple disaient certains.
* Le travail d’orientation est au cœur de la mission du Professeur principal.
– Le travail d’orientation et l’enseignement se nourrissent mutuellement. En effet la relation de confiance posée lors des cours est une base au dialogue d’orientation, mais en parallèle le travail d’orientation renforce le contrat pédagogique, ce qui améliore l’ambiance de travail. Donc le temps consacré à l’orientation permet d’aller plus vite en cours. Le Parcours avenir établit cette action. Rien de surprenant ou de nouveau en apparence dans son descriptif, mais la révolution est ailleurs : ce qui relevait de l’implicite de la fonction de professeur principal, avec des mises en œuvre à géométrie variable selon la déontologie de chacun, est désormais piloté par les chefs d’établissement et exigé par les corps d’inspection. Avec l’espoir que les bonnes pratiques se diffusent.
– Il importe en premier de bien connaître ses élèves.
Dès la rentrée, la traditionnelle fiche de rentrée est un incontournable. De nombreux élèves croient qu’on ne les lit pas ! Revenir vers eux pour faire compléter une adresse incomplète ou expliciter un point très sensible est une première étape dans la construction de la relation (question de santé par exemple). En effet, on peut demander explicitement la ou les adresses (identifier les élèves en foyer, vivant seuls en appartement, dont les parents sont séparés), les éventuels redoublements, l’existence de problèmes qui peuvent gêner la réussite scolaire. Quant à la profession des parents, sa demande n’est pas toujours utile et peut sembler désagréable pour certains qui peuvent croire à un étiquetage.
L’outil de prédilection est l’entretien individuel avec tous les élèves. Ceux qui vont mal, mais aussi ceux dont on croit qu’ils vont bien; tout n’est pas toujours aussi simple. Une dizaine de minutes suffisent le plus souvent. Après 5 à 6 semaines de cours, les élèves sont sortis de la logique de rentrée, ont commencé à comprendre les règles posées en cours, il est alors possible d’organiser les entretiens (avant les vacances de la Toussaint, avant le premier Conseil de classe). Mais 30 fois 10 minutes faisant 5 heures, il est souvent difficile de placer ces créneaux dans les emplois du temps des élèves. On peut alors s’appuyer sur l’AP, en plaçant les autres élèves en travail en autonomie tandis que, dans la salle d’à côté, on mène l’essentiel des entretiens.
Le support de ces entretiens peut être la fiche de rentrée : ce que font les frères et soeurs, le temps de transport matin/soir. Une fiche dactylographiée laissant de la place pour les entretiens permet cela.
L’entretien peut cependant dériver vers un point qui apparaît important pour l’élève. Il faut alors se rappeler que c’est le besoin qui pose le temps, particulièrement dans ce genre de moment, et pas le temps qui conditionne l’échange. Comment arrêter ou brusquer un élève qui évoque un point pour lui très sensible ? C’est d’autant moins grave que même alors, il est rare que l’entretien dépasse les 10-12 minutes. Ou alors c’est que l’on est sur du très grave.
Lorsque tout se passe normalement, il se révèle souvent utile de clore la conversation par une question ouverte: y a-t-il un point qui n’aurait pas été abordé, que l’élève voudrait porter à notre connaissance ? Cela évite que l’élève, poli, n’ose pas nous dire quelque-chose. Et si, une fois sorti, il réalise qu’il n’a pas abordé un sujet important, il se sentira autorisé à venir nous le dire à un autre moment.
En cours d’année des élèves sont parfois amenés à demander un entretien : pour discuter de leurs résultats, de la manière d’améliorer leur travail, de leur orientation, ou pour parler d’un problème. Dans ce dernier cas, les phases de la discussion sont délicates à gérer. Souvent au début de l’entretien l’élève décide de présenter un point assez mineur. Il a besoin de temps, de questions ouvertes qui approfondissent progressivement le sujet, qui également le contextualisent et l’élargissent, pour guider par touches successives vers ce qui lui fait réellement mal. Cela nécessite une grande concentration en terme d’écoute. Puis quand on arrive dans le dur, beaucoup d’empathie. Pas de sensiblerie, juste un respect.
Alors vient le temps de la reconstruction : orienter les questions sur ce en quoi l’élève a surmonté sans oublier, ce en quoi il veut se tourner vers l’avenir. Quelques conseils, appuyés sur l’expérience, sans visée moralisatrice ou obligatoire, peuvent alors aider. Parfois l’enseignant doit proposer d’agir, auprès d’instances du lycée ou au-delà. Mais la liberté doit rester à l’élève qui a pris le risque de parler. Il ne doit pas se sentir trahi ou inentendu.
Enfin vient le temps de questions plus légères, plus prosaïques, pour terminer l’entretien et permettre à l’élève de continuer sa journée. Si ce n’est pas possible, il faut l’accompagner à l’infirmerie ou appeler un proche et s’assurer qu’il a pu quitter l’établissement en sécurité.
L’avantage d’un enseignant, c’est que l’élève peut ne plus le revoir par la suite (en 3e ou en Terminale). Il a donc vidé son sac quelque-part, puis est passé à autre-chose. C’est humain, et c’est bien ainsi. On a juste fait son travail. Il ne faut donc pas s’attendre obligatoirement à la continuation d’une relation, autour d’une émotion partagée. Même si des gestes de reconnaissance peuvent arriver, quelques années après.
Par ailleurs, pour bien connaître les élèves de sa classe, il est très utile de passer régulièrement auprès des CPE, infirmier(e)s et surtout secrétaires de l’établissement. Il se passe tellement de choses en une semaine ! Des dossiers à distribuer ou qui manquent, un coup de téléphone de parent, un suivi des absences en temps réel, c’est fou ce que l’on gagne de temps ensuite par ces petits échanges anodins qui créent une ambiance de travail sympathique entre collègues. Un rendez-vous préparatoire avec le COP attaché à l’établissement avant le conseil de classe est aussi très utile.
Une fois l’année terminée, avec des élèves s’apprêtant à quitter l’établissement (3e ou Terminale), il est instructif, de temps en temps, de proposer un rapide sondage inspiré des pratiques de formation : prévenus quelques jours plus tôt, et lors de l’un des derniers cours, ils placent de manière anonyme 3 points positifs de l’année écoulée au sein du cours et 3 points négatifs sur des feuilles ramassées (et lues avidement dès la porte fermée !). C’est parfois rude, mais il ne faut pas oublier les bonnes surprises plus fréquentes qu’il n’y paraît, et dans tous les cas cet exercice de vérité s’il est annoncé comme un élément dans l’amélioration du dispositif pour les classes à venir est pris avec un certain sérieux par une large part des élèves. On ne construit que sur les réalités, et il est bon de savoir comment notre travail est perçu, pour soit corriger le tir, soit sortir du doute et s’apercevoir qu’on n’a pas si mal travaillé ! Et même si le jeune âge entraîne parfois des propos maladroits voire cruels qui touchent.
– Le travail d’orientation
Une première séance peut être consacrée à la définition du profil de l’élève et aux métiers qui y correspondent. Le réalisé par les CIO d’Ile de France, Oriane [6], fait gagner un temps considérable par rapport aux anciennes fiches papier. Les élèves répondent à des questions de personnalité, puis se voient proposer des métiers plus ou moins proches de leur profil, mais à chaque fois très nombreux, avec pour chacun des renvois vers des fiches métiers. En une heure, plusieurs ont déjà une idée claire.
Pour rendre plus concrets les métiers et les filières, l’idéal est d’organiser des rencontres :
/ On ne dira jamais assez l’importance du stage de Troisième, qui en 5 jours est souvent la première expérience du monde professionnel des élèves. On s’aperçoit souvent qu’ils connaissent très mal l’univers professionnel de leurs parents et proches, en dehors de quelques idées reçues et propos de table. Ce stage est marquant pour les élèves, qui en parlent par la suite lors des entretiens.
/ Des anciens élèves du collège peuvent revenir présenter leur vie au lycée, ou des Terminales présenter leur filière à des Secondes, et des étudiants présenter leur école ou université aux Terminales; ils adorent ! Lors de ces séances on peut faire venir des enseignants de ces niveaux en complément, pour cadrer les interventions dans une certaine mesure. Bien entendu, il est préférable que les élèves aient au préalable préparé leurs questions, lors d’une séance encadrée par l’enseignant qui aurait orienté ou filtré. C’est un intense travail de préparation, et surtout d’anticipation: il faut conserver le moyen de contacter ces élèves une fois partis de l’établissement. Mais ne reviennent que les plus motivés par leur filière ou les plus attachés à leur collège/lycée, donc cela se passe très bien.
/ Une solution très riche est l’organisation de rencontre avec des professionnels sous forme de tables rondes, en faisant jouer le carnet d’adresse ou en sollicitant les parents d’élèves. C’est plus lourd à organiser, mais c’est particulièrement intéressant pour les élèves, qui s’inscrivent obligatoirement dans plusieurs corps de métier, pour s’obliger à découvrir en-dehors de leurs idées préconçues (et pour éviter qu’un adulte venu se retrouve quasi seul !); on est souvent étonné de voir combien des professionnels sont prêts à consacrer un temps pourtant rare à ces rencontres.
Une fois un projet ébauché, il est intéressant d’amener les élèves à approfondir leur connaissance et à montrer aux autres ce qui les pousse à aller vers ce métier. Cela peut passer par la réalisation d’un petit film (« je filme le métier que j’aime »), d’un diaporama (en regroupant ceux qui visent le même corps de métier), de fiches placées sur le site de l’établissement dans une rubrique « orientation » …
Enfin rien n’interdit en parallèle de travailler sur le marché de l’emploi. Etudier les emplois disponibles (ouverts chaque année ou non pourvus) pour contrer les discours qui n’envisagent que le chômage, aborder la création d’entreprise pour les futurs bacheliers professionnels (combien seront artisans ou entrepreneurs, c’est-à-dire « patrons » ?!), les secteurs d’excellence de l’économie française dans tous les domaines (agriculture, industrie aéronautique, nucléaire ou automobile, luxe, tourisme, etc.). On peut aussi faire intervenir un(e) Directeur(trice) des Ressources Humaines dans la classe, ou jouer en binômes des entretiens d’embauche sur les emplois visés par les élèves (avec préparation préalable des deux côtés).
Ces dispositifs visent tous les élèves, les fragiles, les indécis, mais aussi ceux qui réussissent le plus, afin que nulle carrière ne leur soit interdite faute d’information ou de prise de conscience : savoir par exemple que la sélection en post-bac s’opère en grande partie sur la pratique de l’anglais, et suggérer aux parents d’inciter leur enfant à regarder sa série préférée en VOST ou demander à Noël un séjour à l’étranger plutôt que des tennis neuves et un jeu, afin de devenir avocat(e), certes, mais à l’international !
– Tout au long de l’année, au fil des cours, il est fondamental d’ouvrir l’horizon des possibles pour les élèves. Les envisager comme de futurs adultes, de futurs professionnels, que l’on prépare à leurs futurs choix, à leurs futures responsabilités et à leur épanouissement. Combien de lycées n’envoient jamais d’élèves en classe prépa, alors que leurs élèves ne sont pas moins brillants que les autres ? Comment se fait-il que le passage de 3e en Seconde soit aussi différent d’un département à un autre ? On peut rendre fiers les élèves de leur filière en prenant à contre-pied les stéréotypes.
* Avec les parents, la relation est difficile à poser car elle repose sur des échanges rares.
– Le premier contact s’opère à notre insu, au travers de ce que les élèves racontent chez eux, avec plus ou moins de fidélité en fonction de leurs intérêts…
– Ensuite viennent la réunion de rentrée, puis les rencontres parents-professeur, prioritairement vers le Professeur principal. Les parents qui font l’effort de venir sont à priori en demande de contact.
La réunion de rentrée, quand elle existe, est un passage obligé, où les parents retiendront (comme toujours en communication) surtout des ambiances, des styles et de rares points saillants. Cela oriente la communication efficace en leur direction. La priorité est de sembler professionnel : concret, sérieux, passionné pour son métier, attaché à la réussite des élèves, travaillant en équipe cohérente en apparence. Le tout en un temps maîtrisé (traduction : court). L’énoncé des programmes sera donc -très- bref… L’image de l’établissement est aussi importante : valoriser les réussites, les actions particulières (si on ne le fait pas, qui le fera ?). Faire court n’est pas un problème, cela laisse plus de temps pour les questions.
Les rencontres parents-professeur sont très utiles.
Dans le cas de parents dont les enfants sont en difficulté, une évidence s’impose : ils ont déjà entendu bien des choses, et les années ont passé. Avec quel résultat ? Et ils viennent à Canossa… Pour rompre ce rite stérile, une piste est de réarmer ces parents. Oui, leur enfant a des difficultés, mais il a aussi des qualités : sa vigueur, sa politesse, son calme, sa sociabilité… Il pourra faire quelque-chose de digne dans la société. Oui, ils peuvent aider leur enfant même s’ils ne comprennent pas les cours et sont très occupés : ils peuvent juste lui faire répéter ce qui est écrit dans le cahier, ils peuvent s’engager à venir parler de sa situation dans deux mois… Oui, ils ont le droit de faire preuve d’autorité sans briser les liens avec leur ado, au contraire : ils peuvent négocier un temps d’utilisation du portable ou de la console (durée, horaire) qui soit compatible avec un travail scolaire efficace sans empêcher la « vie » adolescente (avec des sanctions prévues et consenties, au nom de l’intérêt du jeune ) puisque, en tant qu’adultes responsables, ils savent que c’est son réel intérêt à terme et qu’en cela ils démontrent leur attachement à son avenir. Dans beaucoup de cas, cela aide.
Dans les cas plus durs, le chemin est plus long, se mène en coordination (ne pas rester seul !), nécessite de comprendre autant que possible les tensions internes à la famille, … et à l’impossible nul n’est tenu.
Si les cas de figure sont très nombreux (dépendance aux jeux, à l’alcool, à la drogue, violence, déscolarisation…) certains réflexes se révèlent utiles. Le premier est de noter toutes les informations concernant l’élève : nature de l’incident, lieu et date, personnes concernées, mesures prises, suivi de ces mesures. C’est également valable avec les actes positifs de l’élève ! Ensuite, cette base sert d’entrée en matière lors des rencontres avec les parents : entretien, rendez-vous auprès du chef d’établissement, commission de vie scolaire ou conseil de discipline, commission d’appel (pour le passage ou le maintien). On part ainsi sur un énoncé des faits, on montre la cohérence, la gradation et la prise de responsabilité de l’équipe enseignante (et si tel n’a pas été le cas on s’en est rendu compte avant l’entretien !). La discussion peut alors s’engager de façon moins passionnelle et plus technique. Et ici plus particulièrement, face à des critiques de parents ou face aux lacunes du système, il ne faut pas oublier que c’est le professionnel qui est impliqué, non notre personne. C’est difficile, évidemment.
Pour les parents dont les enfants réussissent bien, l’enseignant peut faire plus que dire « Merci, tout va bien, rien à dire de plus, au suivant. ». Comme si l’expert n’avait aucune idée de ce que l’élève peut faire de mieux ! Aucune idée de ce qui attend l’élève dans les années qui suivent et les codes implicites qu’il devra maîtriser pour aller encore plus loin ! Les parent qui suivent leur enfant ont des idées, mais peut-être pas toutes, et apprécient qu’on s’investisse aussi dans la réussite particulière de leur enfant.
Sur tous ces sujets, pour aller plus loin, la technique de l’entretien d’explicitation ouvre des pistes utiles, et la page du Mooc Innovation & Education Lab, qui s’appuie sur des comparaisons internationales menées par de grands spécialistes, offre des analyses très intéressantes.
[1] Le schéma évoque ici l’effet Pygmalion; pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, ce point est développé dans la partie du site intitulée Quel style pédagogique adopter ?
[2] Sur ces aspects essentiels, voir le livre événement de Michael Sandel, La tyrannie du mérite, Albin Michel, 2021; ce point est aussi développé dans ce site dans la partie consacrée à la question des finalités: faire cours, pour quoi faire ?
[3] https://www.education.gouv.fr/cid149470/nouveau-bac-comment-se-passe-le-grand-oral.html
[4] Avec un âge moyen au premier enfant pour les femmes de 28-29 ans, plus 11 ans pour que ces enfants arrivent au collège, cela fait des parents qui ont entre 40 et 50 ans le plus souvent. Leur passage au Collège-Lycée remonte donc aux décennies 1980-2000.
[5] On peut voir par exemple: https://www.scienceshumaines.com/le-moral-des-jeunes-francais_fr_37792.html ou bien https://www.nouvelobs.com/societe/20170208.OBS5059/les-jeunes-francais-sont-tres-pessimistes.html; à noter que dans cette dernière enquête, les 2/3 des jeunes Français interrogés se disent heureux, mais 1/2 se disent pessimistes sur l’évolution du monde.