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* L’AP (Accompagnement personnalisé): enjeux
- Ce dispositif a suscité bien des débats !
Le premier est dans l’intitulé même. « Personnalisé » a été souvent confondu avec « individualisé », à la fois par les parents, pleins d’espoir, les enseignants, inquiets devant l’impossible tâche, et les politiques, ravis de satisfaire par avance leurs concitoyens. Or le concept de « personne » est un concept philosophique riche, qui dans le cas qui nous concerne ici représente justement un équilibre subtil entre l’individu et le collectif : la personne a des droits et aspirations individuels, mais les vit au sein de la collectivité dont elle est solidaire. Il a même existé un mouvement personnaliste, autour d’Emmanuel Mounier, tentant une synthèse entre respect de la vie humaine issue du christianisme et engagement social marxiste, dans l’Europe troublée des années 1930, où tant le libéralisme que les totalitarismes semblaient n’offrir que des impasses [1]. La traduction est que les horaires d’AP sont organisés au mieux en groupes, au pire en classe entière, mais jamais pour un élève seul. Et les besoins qui sont traités sont ceux qui apparaissent pour un groupe d’élèves, au même moment, quitte à ce qu’ils ne concernent pas tous les élèves.
Le mot « accompagnement » n’est pas moins riche de sens. Il signifie un changement de posture de l’enseignement, ou plus exactement il l’entérine. La place sur l’estrade, face aux élèves, n’est plus qu’un moment dans le cours ; l’enseignant se place à hauteur d’élève, à son côté, et l’aide à surmonter la difficulté du cours. Ce concept va avec celui d’étayage, en ce sens que, comme un tuteur, l’enseignant est plus présent lorsque l’élève a du mal, puis laisse celui-ci à mesure qu’il prend confiance, l’objectif étant que l’élève finisse par arriver seul à réaliser la tâche.
- Mais l’Education nationale a profité de cette réforme pour en glisser une autre, allant vers une autonomie toujours plus importante des établissements et des équipes.
L’organisation de l’AP se ferait au sein de chaque établissement, pour la répartition des heures comme pour leur contenu. Au collège, cela s’opère même en ponctionnant dans l’horaire affecté à la matière qui décide de faire de l’AP (alors qu’au lycée, plusieurs matières ont donné des heures une bonne fois pour toutes afin de financer les heures d’AP). Ainsi, les organes de concertation prennent une importance croissante, si l’on veut que cette répartition ait un sens en terme de politique d’établissement, même si le plus simple est encore une répartition à l’ancienne, suivant les logiques de poste et les rapports de force…
* Mettre en oeuvre l’Accompagnement personnalisé
Que faire en AP ? Ou plus précisément que faire « avec l’AP » ?: une approche globale
Il existe une réponse officielle. L’AP peut être employé pour :
– Remédier aux difficultés
– Approfondir
– Remotiver, ouvrir des possibles
– Orienter
Il existe aussi une réponse pragmatique : l’AP sert à faire tout ce dont on sent qu’on a besoin pour faire réussir les élèves, sans contrainte des programmes et du cadre des matières. Les activités menées en AP ne sont donc pas obligatoirement différentes de celles menées en classe. Lorsque l’AP a été créé en lycée, plusieurs collègues ont dit : « On le faisait déjà, mais on était courts sur les programmes après. ». Et de même au collège depuis. L’AP est donc un créneau, mais c’est surtout un état d’esprit, et il est bon qu’il déteigne sur l’ensemble des cours.
Il existe enfin une réponse réaliste : le contenu de l’AP dépend du style pédagogique de chacun. Certains collègues sont à l’aise au large, hardis aventuriers ils aiment à lancer des projets et laisser libres leurs élèves. D’autres sont plus efficaces « dans le petit côté » (comme on dit au rugby), … et n’en sont pas moins utiles à leurs élèves. L’AP est donc aussi l’espace de la complémentarité entre collègues.
Dans la partie Exemples de ce site est proposée une progression de l’AP sur l’ensemble des années lycée, en fonction de l’évolution des besoins des élèves, en matière d’aide, d’approfondissement ou d’orientation.
La structure est possiblement assez proche sur les années collège, la 6e étant proche de la Seconde, 5e et 4e prenant la place de la Première.
L’AP concerne des dispositifs qui peuvent être très lourds, vastes projets sur plusieurs mois, ou bien se positionner sur quelques heures, ou tout aussi bien être clos en une heure.
On comprend donc toute la nécessité de dégager des créneaux de coordination entre collègues concernés, soit un seul en début d’année, soit pour plusieurs mois (échelle du trimestre, par exemple), soit au gré des besoins une fois une trame posée. Le temps concerné est placé sur les heures de cours au lycée, c’est hélas plus complexe au collège…
Concrètement, l’AP
Les propositions ci-dessous, qui ne sont que quelques pistes parmi la kyrielle de possibilités, sont communes à tous les niveaux.
/ Pour aider les élèves :
– Un travail sérieux nécessite un cahier bien tenu. Au primaire les collègues professeurs des écoles ont dépensé une certaine énergie pour inculquer cette évidence, et au collège, et même au lycée, il nous faut parfois nous assurer que les feuilles sont collées, que les cours manqués ont été rattrapés, que les contenus correspondent aux chapitres… Que de surprises on a en lisant ces cahiers ! Lorsque l’on est professeur principal, faire apporter plusieurs cahiers et placer les élèves en groupes pour qu’ils comparent leurs cahiers permet de gagner du temps. Et celles/ceux qui ont des cahiers parfaitement tenus peuvent toujours en profiter pour optimiser leurs cahiers : compléments à partir du livre, par exemple. De là à transformer l’heure en concours des villes fleuries, il y a cependant un pas…
– Les enseignants qui proposent une heure d’étude dirigée ont parfois l’impression qu’ils risquent de n’avoir rien à faire et de ne pas avoir mérité leur salaire. Qu’ils se rassurent ! Sauf à rester obstinément dissimulé derrière l’écran de son ordinateur à consulter ses messages (ce qu’aucun individu ayant une conscience professionnelle ne fait, bien entendu), on voit vite que les élèves avertis d’une telle heure en profitent souvent pour apporter ce qu’ils ont du mal à réaliser, et l’on se retrouve cherchant avec eux dans le cours ou le manuel d’une matière autre que la sienne comment résoudre ce fichu exercice. En un mot, …on accompagne. Et on finit l’heure épuisé, mais riche de bien des découvertes. Comme par exemple la vérité des difficultés des élèves, ou l’envie tenace de bien faire d’un élève à qui tant ont écrit sur copies et bulletins « doit travailler davantage ». Accompagner, c’est aussi sortir du confort de l’ignorance et de la facilité quant au vécu des élèves. Soulignons ici que les élèves qui réussissent ont tout autant à gagner de ces heures, puisqu’on a à leur apprendre sur la manière d’optimiser ou approfondir leur travail.
– Les séances d’AP sont le lieu privilégié pour travailler sur les lacunes que l’on déplore sans plus avoir le temps de les traiter : éléments des programmes des années précédentes oubliés ou non abordés pour une foule de raisons, orthographe ou règles de calcul de base…
– Un travail alternatif de correction, chronophage en les premiers temps, a toute sa place en AP : définition des attentes, des critères de correction, correction de copies par les élèves (voir les pages consacrées à cela)
– Idem pour les ateliers de découverte des outils transversaux (internet, logiciels du CDI) eux aussi évoqués supra.
– Certaines matières ont des modalités proches. En AP plusieurs enseignants peuvent amener les élèves à poser explicitement les données du problème, et proposer des repères clairs ensuite.
– Il y a quelques grands oubliés de notre système, comme par exemple la préparation des oraux de rattrapage du bac ; rien que ça ! Mais l’AP en fin d’année est là, avec des séances d’entraînement par binômes d’élèves, bénéfiques à tous. L’oral du brevet ou du TPE ont aussi tout à gagner de ce dispositif.
/ Pour approfondir :
– Toutes les matières ont besoin d’une ouverture sur l’actualité, alors autant y consacrer du temps. Du temps pour découvrir l’actualité (en réalisant un site d’actualités choisies et expliquées par les élèves), pour découvrir la diversité des opinions (où le Times n’est pas toujours d’accord avec le Guardian, avec débat à la clef), et pourquoi pas pour lancer la réalisation de reportages papier, audio ou video pour les media de l’établissement. Ce peut être l’occasion de planifier l’organisation d’une radio FM de l’établissement, avec l’aide d’une association ; immense travail en perspective, mais occasion rêvée pour des élèves de piloter un projet responsabilisant [2].
– L’AP peut aussi servir à mettre en pratique le contenu des cours, y compris en croisant plusieurs matières : réaliser un musée imaginaire de la classe (œuvres sélectionnées par binômes et placée en un diaporama projeté lors d’un vernissage) ou un album de photographies choisies autour d’un thème, réalisation d’une œuvre croisant lettre et SVT (un roman policier par exemple), réfléchir à la consommation énergétique de son établissement, de sa commune, présenter les entreprises locales et leur inscription dans le mondialisation.
– Plus loin encore, il y a la place pour une action citoyenne : réfléchir à l’implantation d’un composteur dans l’établissement, ou à la limitation du gaspillage au restaurant scolaire, organiser une journée du développement durable ou de la solidarité (avec stands d’associations ou fauteuil roulant et béquilles, pour explorer le quotidien subi par tant des nôtres). Cette action concerne également la participation aux journées dédiées à des grandes causes ou à des prix (Prix Bayeux des reporters de guerre, Goncourt des lycéens, Olympiades de mathématiques ou de physique, Concours de la résistance et de la déportation…)
– Dans la partie consacrée au numérique, plusieurs axes de recherche destinés à favoriser la réussite ont été présentés ; ils ont toute leur place sur les créneaux d’AP : fiches sur des métiers, saisie de « bonnes » copies, sitographie utile, réalisation de quizz de révisions, mais aussi liste de citations ou d’actualités pouvant renforcer une copie, aide à la préparation de concours post-bac (infirmière, le plus souvent), conseils de relaxation.
/ Pour aider à l’orientation :
– En parallèle du cours, certains dispositifs aident à se faire une idée de ce que sont les niveaux supérieurs : rencontre avec des élèves plus âgés ou des étudiants (au sein de l’établissement, les « grands » sont en général ravis de venir parler aux plus « petits »), visite d’un établissement (lycée professionnel/technologique/général pour des collégiens, supérieur pour des lycéens), travail sur le mode des années suivantes (travail type lycée pour des collégiens, initiation à la philosophie pour des Secondes, questionnements et recherches type post-bac pour des Terminales).
– Tous les dispositifs évoqués au sujet de l’orientation ont une place privilégiée sur les créneaux d’AP.
[1] Ce mouvement perdure au travers de la revue « Esprit » fondée alors, et qui s’intéresse parfois à des questions éducatives. Ex : dans le numéro de décembre 2012, l’article de Denis Meuret : « Refaire les humanités : plus équitable, l’école retrouverait la voie de la réussite ».
[2] Un exemple de réussite : https://www.francebleu.fr/loisirs/evenements/atelier-radio-dans-un-lycee-de-cherbourg-1465824435